Les Assises 2014 présentées par Tugdual Derville.
Rome, Anita Bourdin pour
« C’est à partir de la famille que peut se déployer une véritable culture humaine. Car c’est de la famille que germe la culture du don », explique Tugdual Derville, l’un des initiateurs du Courant pour une écologie humaine, qui présente aux lecteurs de Zenit les Assises organisées à Paris et 6 et 7 décembre.
Zenit – Un grand événement du Courant pour une écologie humaine aura lieu les 6 et 7 décembre à Paris : à qui s’adresse-t-il ?
Tugdual Derville – Il s’agit des Assises de l’écologie humaine ; elles s’adressent à tous, à tous ceux qui sont attirés par la force de cette expression « écologie humaine ». Aussi bien en France, qu’en Europe. Notre programme alterne des temps de formation, des séances de travail en groupe restreints et des échanges d’expériences et d’idées. Les participants entendront aussi bien des philosophes que des personnes de terrain. Des membres engagés dans le Courant présenteront le fruit de ces premiers mois de travail, qui sont à la fois fondateurs et prometteurs : des outils concrets pour vivre la bienveillance au travail ; des initiatives dans le domaine de la solidarité ou du « co-working » (mise en commun d’espaces de travail) ; un « jardin partagé » transformant une friche urbaine en potager pour tisser des liens entre voisins etc.
Nous nous adressons à toutes les personnes qui ont pris conscience de leur responsabilité : à nous de vivifier la société ; à chacun de la construire sans tout attendre de l’Etat, des partis politiques ou d’un leader providentiel. Mais pour cela, il faut se réunir et agir ensemble, autour de sujets très concrets. Le témoignage des agriculteurs nous aidera à garder les pieds sur terre…
Durant ces Assises, nous partagerons le formidable objectif du Courant pour une écologie humaine : changer la société. Pour cela, nous tablons en premier lieu sur un réveil de « la base ». C’est ce que nous appelons notre « humble ambition ». De toutes les façons, nous n’avons pas le choix. La société des hommes est confrontée à une telle perspective que c’est la préservation de l’identité même de l’humanité qui est désormais en jeu. Je pense au fantasme du transhumanisme, qui est devenu le défi majeur du siècle. Nous en voyons déjà les prémices : financiarisation de l’économie, technocratisation de l’agriculture, explosion exponentielle de la technologie dans nos vies quotidiennes. C’est le moment de nous interroger : sommes-nous libérés ou aliénés par cette accélération de l’Histoire ? Il ne faudrait pas que les magnifiques progrès de l’Humanité se retournent contre elle, comme si elle se trouvait soudain condamnée à déléguer son destin à ses inventions…
Qui sont les principaux intervenants des Assises ?
Outre les trois co-initiateurs : Pierre Yves Gomez, Gilles Heriard-Dubreuil et moi-même, nous aurons la présence de magnifiques philosophes : François-Xavier Bellamy, Fabrice Hadjadj, Dominique Bourg, spécialiste de l’écologie, et de nombreuses autres personnalités : Jean-Guilhem Xerri, Violaine du Châtellier, Jean-Marc Poitevin, François-Daniel Migeon, etc. Chacun donnera un éclairage personnel sur ce concept d’écologie humaine qui apporte une réponse aux grands défis contemporains.
Tout autant que les intervenants, c’est la modalité d’animation de ces premières Assises qui en fait toute l’originalité. Chaque participant pourra faire un parcours personnel lié à ses préoccupations majeures. Nous comptons beaucoup sur les rencontres et les réflexions pour faire naître des initiatives nouvelles, capables de changer le monde.
Comment expliquez-vous que votre Courant soit né aujourd’hui en France ?
Que le Courant pour une écologie humaine émerge en France n’a rien d’anodin. La France est à la fois le pays qui, par tradition, porte le souci de la personne et celui qui souffre d’une profonde crise d’identité, au risque de noyer son âme dans l’idéologie matérialiste et laïciste, et la morosité égotique. Cette âme généreuse de la France, nous la voyons cependant s’éveiller avec la levée de boucliers, dans tout l’échiquier politique, contre la gestation pour autrui : la France n’est pas un pays où l’on « se couche » devant le marché. Elle résiste spontanément lorsque ce marché prétend faire de l’être humain un objet de consommation qu’on fabrique, trie, élimine, pour de l’argent. En France, on ne vend pas ses organes, ni son sperme, ni ses ovocytes, ni ses embryons… Ce serait contraire à notre conception de la dignité humaine. La France est aussi un pays où la femme, depuis des centaines d’années, est mise au premier plan. La « galanterie » française n’est pas aussi dérisoire qu’on le croit. C’est d’ailleurs largement au nom du respect de la femme que l’on résiste en France à cette gestation pour autrui, qui signifie la marchandisation de son corps et l’éclatement de la maternité. Dans beaucoup d’autres pays, il n’y a même pas eu débat.
Nous aurions beaucoup d’autres choses à découvrir sur la France, qui en fait un terreau favorable à l’éclosion de l’écologie humaine : c’est un pays qui a le souci de l’universalité, même si certains peuvent l’interpréter comme de l’arrogance… Et qui reste curieux des autres cultures, qu’il respecte volontiers.
Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que l’écologie humaine est une réponse adaptée à chaque nation dans un contexte de mondialisation qui tendrait à l’inverse à écraser les spécificités culturelles. Il me semble que le rayonnement de la France, même si notre nation est loin d’être à la hauteur de sa vocation, lui donne une mission particulière pour que l’écologie humaine prenne en compte l’humanité dans toute sa richesse.
Nous sommes ouvert à tous, à toutes les cultures, tout en mesurant combien l’enracinement personnel de chaque être humain est essentiel à son épanouissement. Il n’existe pas d’humanité « hors sol ». Et ceux qui sont chahuté par la vie – je pense aux migrants de toutes sortes – ont besoin de poser leurs sacs pour s’enraciner dans une nouvelle culture, une nouvelle région.
Quels sont vos objectifs et perspectives ?
Le thème de nos Assises : « La révolution de la bienveillance » en dit long. Nous pensons que dans une société éclatée, où l’individualisme finirait par exclure chacun des membres en commençant par les plus fragiles, la bienveillance est à proprement parler révolutionnaire. Il s’agit pour chacun de veiller au bien de tous. Il ne suffit pas en effet de dire que la société va dans le mur, ou de protester – ce qui est nécessaire – contre l’injustice ; il nous faut construire en ayant conscience que la société devient ce que nous en faisons. En participant au Courant pour une écologie humaine, chacun assume sa part du Politique. Nous faisons nôtre la maxime Small Is Beautiful, tout en considérant que l’accumulation des initiatives, la mise en relation et en synergie, aboutit à des mutations bien plus essentielles que celles que peut provoquer le discours prononcé par un leader au cours d’un meeting politique. Le Courant pour une écologie humaine nait au milieu d’une vitalité associative, d’un triple foisonnement issu de la tradition chrétienne d’engagement auprès des plus pauvres, de la tradition écologique de prise en compte des soucis de l’environnement, ou encore d’une émergence de réflexions nouvelles autour de la gouvernance démocratique.
Le pape François vient justement d’exhorter au développement d’une écologie humaine, dans un discours prononcé à Rome puis à Strasbourg, lors de sa rencontre avec les Eurodéputés : qu’est -ce que cela signifie pour vous ?
A Strasbourg, le pape en a parlé en insistant sur la dignité de l’homme au travail, et c’est la préoccupation de beaucoup de ceux qui rejoignent notre Courant… J’étais présent à Rome, quelques jours plus tôt, lors de ce colloque international sur la complémentarité homme-femme. Que le Pape François ait parlé d’écologie humaine dans ce cadre est très révélateur : tout pouvoir authentiquement légitime a son origine dans la famille. Le village ou la nation ne sont que des « familles de familles ». Ainsi, en cercles concentriques, à partir de la complémentarité père-mère, se dessinent les écosystèmes nécessaires à la croissance de l’être humain. La famille, nucléaire puis élargie, est ainsi le lieu d’émergence de la vie, d’apprentissage de la liberté, d’apprentissage également de la différence… et c’est à partir de la famille que peut se déployer une véritable culture humaine. Car c’est de la famille que germe la culture du don…
Un dernier message ?
Venir aux Assises de l’écologie humaine, s’inscrire dès maintenant est un acte politique fort, à la fois consolateur et prometteur : conscients des crises qui fracturent la société, nous nous rassemblons pour favoriser un tournant culturel, source d’humanisation.
http://www.ecologiehumaine.eu/les-assises/