Fin de vie, le « droit à la sédation profonde et continue » sera bientôt une réalité

Article de Marine Lamoureux paru dans la Croix du 19 janvier 2016.

© La Croix

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« Il y a eu un effort en CMP pour éviter certaines dérives, admet Tugdual Derville, le délégué général de l’association Alliance Vita. Pour autant, le texte maintient un flou, avec des notions complexes à interpréter, comme le -pronostic vital à court terme-, très vague. Toutes les ambiguïtés ne sont pas levées »

 

C’est la dernière ligne droite. Le 19 janvier, en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs ont trouvé un accord sur la proposition de loi « créant de nouveaux droits » en fin de vie. Sauf énorme surprise, le texte ainsi avalisé devrait être voté à l’Assemblée et au Sénat le 27 janvier.

Ce texte est l’aboutissement de trois ans et demi de débats et de réflexions sur un sujet très délicat, qui concerne tous les Français. Avec pour point d’orgue cette question : comment créer les conditions d’une fin de vie apaisée alors que de nombreux rapports ont déploré, ces dernières années, la souffrance, les inégalités et le manque d’accès aux soins palliatifs ?

Les parlementaires ont su s’extraire du débat réducteur « pour ou contre l’euthanasie » pour parvenir à une proposition de loi cosignée par les socialistes et les Républicains.

Le texte apporte deux nouveautés : il crée un droit à la sédation « profonde et continue » en toute fin de vie, sous certaines conditions, et il rend les directives anticipées plus contraignantes.

Pour le député Jean Leonetti (LR, Alpes-Maritimes), qui a apporté son expérience et sa caution morale à ce cheminement parlementaire, le texte issu de la CMP est « équilibré ». Pour lui, on « reste dans l’esprit » de la loi du 22 avril 2005, actuellement en vigueur. Il précise : « Dans ce texte, on ne lève pas l’interdit de tuer mais on renforce l’obligation de non-abandon et de non-souffrance du malade ».

Pour son co-rapporteur socialiste, Alain Claeys (Vienne), la nouvelle loi va permettre de régler un grand nombre de situations de fin de vie complexes, notamment « parce que les patients seront mieux entendus ».

L’accord trouvé le 19 janvier en CMP n’était pas gagné d’avance. Durant de longs mois, les désaccords entre les deux chambres ont été importants. Premier point d’achoppement : les directives anticipées, certains sénateurs craignant que le médecin ne soit relégué au rang de simple exécutant.

En CMP, les élus ont prévu que ces directives s’imposeront au médecin, mais que ce dernier pourra y déroger dans plusieurs circonstances : l’urgence vitale (afin de pouvoir réanimer les personnes ayant fait une tentative de suicide) ou lorsque les directives sont « inappropriées » ou « non conformes à la situation médicale ». Ces directives pourront être rédigées librement ou via un formulaire.

Autre enjeu : les conditions de la sédation en phase terminale. Certains parlementaires redoutaient en effet que cette pratique médicale ne devienne une forme d’euthanasie déguisée.

Pour lever l’ambiguïté, la CMP a précisé que ce type de sédation concernerait des patients « atteints d’une affection grave et incurable » choisissant d’arrêter un traitement engageant leur « pronostic vital à court terme » lorsque cet arrêt est susceptible « d’entraîner une souffrance insupportable ».

Autrement dit, l’arrêt d’un traitement vital ne suffit pas à lui seul à donner droit à la sédation terminale pour éviter un détournement de la loi au profit de l’assistance au suicide. « ​La sédation est là pour soulager la souffrance, pas pour faire mourir », insiste Jean Leonetti.

Dernier point : la question de l’hydratation et de l’alimentation artificielles. Dans la rédaction finale, il s’agit bien de « traitements » et non de « soins », qui « peuvent être arrêtés » à la demande du patient en cas d’obstination déraisonnable. Rien d’automatique, comme le redoutait le Républicain Gérard Dériot, co-rapporteur au Sénat.

Le 19 janvier, les élus se sont donc montrés rassurants. Pourtant, des inquiétudes demeurent. « Il y a eu un effort en CMP pour éviter certaines dérives, admet Tugdual Derville, le délégué général de l’association Alliance Vita. Pour autant, le texte maintient un flou, avec des notions complexes à interpréter, comme le -pronostic vital à court terme-, très vague. Toutes les ambiguïtés ne sont pas levées », déplore-t-il.

De son côté, le président du Centre catholique des médecins français (CCMF) se montre très prudent. Sans blâmer le texte lui-même, il appelle à la vigilance quant à son application. « En dépit des grandes incantations sur le développement des soins palliatifs, très peu de chose bouge sur le terrain, remarque Bertrand Galichon. Or c’est un prérequis. »

Début décembre, un plan 2016-2018 doté de 190 millions d’euros a certes été annoncé par la ministre de la santé (La Croix du 4 décembre). Mais c’est avant tout « une culture palliative » qui doit s’imposer, à l’hôpital comme dans le champ médico-social, souligne le médecin, pour qui « on en est encore loin ».

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