Article de Marine Lamoureux paru dans La Croix le 5 juillet 2016.
La recherche sur l’embryon suscite encore de nombreux espoirs thérapeutiques. Certains, cependant, redoutent qu’il ne devienne un simple matériau de laboratoire.
Il y a trois ans, par la loi du 6 août 2013, la France autorisait la recherche sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires. À l’époque, le passage d’un régime d’interdiction (des dérogations étant néanmoins accordées) à un régime d’autorisation encadrée, avait suscité des craintes. « En renonçant au principe d’interdiction, on opère une rupture fondamentale, s’était alarmé Bertrand Mathieu, professeur de droit à la Sorbonne. L’embryon devient un simple matériau de laboratoire, autrement dit, on ne lui reconnaît plus la dignité qui justifiait sa protection. »
Le débat Crispr-Cas9
Depuis, certaines avancées scientifiques ont approfondi les dilemmes autour de l’utilisation de l’embryon humain. En tête, le fameux « Crispr-Cas9 ». Cette technique de modification génétique permet de découper l’ADN avec précision pour supprimer ou remplacer un ou plusieurs gènes déficients. Mis au point en 2012 par deux chercheuses, Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, ces « ciseaux génétiques » suscitent l’intérêt de nombreuses équipes dans le monde, qui espèrent des résultats en matière de thérapie génique et de médecine régénérative.
Problème : Crispr-Cas9 a déjà été utilisé à titre expérimental pour modifier le génome d’embryons (voués à la destruction). En avril 2015, des chercheurs chinois ont ainsi annoncé avoir eu recours à ces « ciseaux génétiques » sur des embryons atteints d’une grave maladie du sang. L’expérience ne s’est pas révélée concluante mais a suscité l’émoi car de tels essais reviennent à toucher au patrimoine héréditaire de l’espèce humaine (via les cellules reproductrices de l’embryon en devenir).
L’intrusion des chercheurs au cœur de l’ADN
De quoi renforcer les inquiétudes. « Cette technique peut relever du pire comme du meilleur », souligne Tugdual Derville, d’Alliance Vita. Avec Crispr-Cas9, poursuit-il, « un pas de plus peut être franchi par l’intrusion des chercheurs au cœur de l’ADN, au stade le plus précoce de l’existence humaine ».
Et conduire, par une approche « des petits pas » à des formes d’eugénisme, que la découvreuse Jennifer Doudna elle-même envisage. « La question éthique est de savoir qui veut appliquer ces techniques, qui y a accès, qui décide de les employer et dans quel but. Est-ce acceptable si c’est uniquement à visée thérapeutique ou aussi pour répondre au désir de parents d’avoir des enfants plus grands, aux yeux bleus ? », déclarait-elle dans Le Monde du 23 mars.
Lire la suite ici.