Face aux fantasmes de toute-puissance, il s’agit de protéger les valeurs spécifiques qui fondent notre humanité.
L’émergence politique de l’écologie nous alertait au siècle dernier par une question inédite : quel environnement allons-nous laisser aux générations à venir ? L’humanité avait découvert sa force destructrice, rançon de ses progrès scientifiques. Quelques visionnaires — traités d’hurluberlus — ont alors enrichi notre altruisme : la solidarité devait s’exercer au futur.
L’écologie a désormais pénétré nos modes de penser, d’agir et de gouverner dans les pays riches. Et voilà qu’y naît une nouvelle écologie, en raison d’autres progrès techniques, dont l’application menace cette fois l’essence de l’homme. Derrière le rideau de fumée de l’expression “mariage pour tous”, se préparent des filiations fictives. Les techniques de procréation artificielles conçues pour pallier l’infertilité des couples sont en passe d’être détournées : alors que tout enfant mérite de bénéficier du repère naturel de l’engendrement par un homme et une femme, on basculerait vers un droit à l’enfant pour deux femmes, puis deux hommes. Certains disent : Et pourquoi pas trois ?
Qui aurait imaginé devoir défendre l’altérité sexuelle à la source de toute vie ? L’immense foule du 13 janvier a manifesté son attachement viscéral à ce bien universel. J’ai salué ce jour-là,au Champ-de-Mars, un grand mouvement d’écologie humaine. Précisons qu’il ne s’agit plus seulement de décrire l’activité organisée de l’Homo sapiens : comme l’écologie environnementale, l’écologie humaine surgit de la prise de conscience d’une nouvelle capacité destructrice. Car des chercheurs tablent sur les biotechnologies et sur la loi pour défaire l’articulation entre nature et culture propre à l’humanité ; nouveau Prométhée, ils nous affranchiraient de l’évolution, en appliquant au corps humain les progrès de la génétique, des neurosciences, des nanotechnologies, etc. Ils rêvent tout haut de recréer un homme “augmenté” : supérieur, invulnérable, immortel. L’enjeu éthique est majeur.
Dans une récente tribune pour Slate.fr, Jacques Attali, dont je ne suis pas un disciple, voit dans le mariage homosexuel une « anecdote », étape d’une déconstruction de l’anthropologie naturelle vers une « humanité unisexe ». Le mariage homosexuel consacrerait la rupture entre la relation sexuelle et la procréation… Un marché de fabrication d’enfants à la demande, vérifiés avant livraison, se profile. Des tenants de la théorie du genre comptent sur l’utérus artificiel pour “libérer” les femmes de la maternité. Mais surtout le lobby de la “transhumanie” vise carrément un nouvel homme, le Cyborg (organisme cybernétique) domptant les trois limites de notre nature : le corps (sexué), le temps et la mort. Le stock français des 171 477 embryons congelés (réclamés par des chercheurs) ou les frères américains conçus ensemble in vitro, mais nés à vingt ans d’écart, bousculent déjà ces limites. Hormone de croissance, pilule de la troisième génération… N’avons-nous pas assez d’apprentis sorciers ?
Jacques Attali soulève trois questions : « Comment permettre à l’humanité de définir et de protéger le sanctuaire de son identité ? Comment poser les barrières qui lui permettront de ne pas se transformer en une collection d’artefacts producteurs d’artefacts ? Comment faire de l’amour et de l’altruisme le vrai moteur de l’Histoire ? »
En affirmant que tout être humain est marqué par l’interdépendance, osons répondre que l’humanité vit de quatre aspirations spécifiques : amour, vérité, justice et paix. Inconsciemment la loi Taubira en priverait des enfants. D’autres dérives de toute-puissance menacent ces valeurs : l’euthanasie, contraire à la dignité humaine, l’eugénisme, qui décerne des brevets d’humanité, et son pendant, le transhumanisme, qui rejette la fragilité propre à notre identité.
Face à ces fantasmes de toute-puissance, l’écologie humaine relève le défi d’une culture de vulnérabilité, clés du véritable progrès de l’humanité.