Article paru dans La Croix le 03 mai 2017, propos recueillis par Emmanuelle Lucas.
L’État doit-il défendre ‘une certaine idée de la famille’ ?
Oui, assurément, l’État doit promouvoir une certaine idée de la famille. Car s’il n’existe pas de familles modèles, il existe un modèle de famille dont on sait qu’il favorise l’épanouissement de l’enfant davantage que d’autres configurations. Or ce modèle-là repose sur une clé reçue biologiquement jusqu’à ce jour : la parité universelle entre hommes et femmes auxquels sont confiés des rôles différents dans l’enfantement. C’est pourquoi cette complémentarité des rôles parentaux doit être rappelée comme essentielle, tout comme le besoin fondamental de l’enfant d’être aimé par deux parents qui s’aiment.
Sur un plan symbolique donc, l’État devrait cesser de dire que tout se vaut, cesser ce discours lénifiant selon lequel on croit consoler les peines et souffrances en ajoutant un « s » à l’intitulé du ministère de tutelle, renommé « ministère des familles ». Il s’agit d’un déni du réel. Je pense notamment aux familles dites monoparentales, terme par ailleurs contestable, car il y a toujours un second parent quelque part. Toutes les statistiques montrent que les membres de ces familles subissent un appauvrissement et qu’il en résulte une perte de chances pour l’enfant. Plutôt que d’ignorer ces souffrances, l’État devrait prévenir les risques de séparation en aidant les familles à rester structurantes, durables. Il devrait s’investir dans la préparation au mariage civil, en soutenant les initiatives des associations pour la promotion de l’union durable.
De plus, contrairement au discours de certains qui voient la famille comme une simple construction culturelle aliénante et prônent la déconstruction, l’État devrait reconnaître que l’instabilité des couples, les ruptures, fragilisent l’enfant mais aussi les femmes, qui sont souvent les grandes perdantes. Bien sûr, l’État doit soutenir matériellement les familles qui en ont besoin. Mais cette politique sociale de la famille devrait être clairement séparée de la politique familiale. Elles sont différentes par nature. L’État doit notamment rendre à la politique familiale son caractère universel. Il doit considérer la famille comme une communauté, et pas un agrégat d’individus. Sinon, il ignore les besoins des plus fragiles de ses membres.
Enfin, l’État doit reconnaître à la famille sa souveraineté et n’intervenir que quand celle-ci est gravement défaillante. Je plaide ainsi pour une subsidiarité entre les parents et l’État. La primauté doit être en effet laissée aux parents pour tout ce qui relève des choix éducatifs qui concernent leur enfant. La liberté scolaire doit être protégée, par exemple. L’État doit aussi rester garant des droits de l’enfant et ne pas survaloriser le pouvoir de l’adulte. Énoncer, par exemple, qu’un adulte peut décider d’être parent d’un enfant qui n’est pas le sien, car issu, par exemple, d’un bricolage procréatif, c’est subordonner l’enfant à un désir, le traiter en objet, voire en produit. C’est injuste.