Tugdual Derville réagit cette semaine à la tribune cosignée par 156 députés, intitulée « pour une liberté républicaine : le choix de sa fin de vie ».
La bataille autour d’une porte est un jeu bien connu. D’un côté les faibles veulent verrouiller la pièce. De l’autre, les assaillants, certains de les battre s’ils y pénètrent, tentent de mettre le pied dans la porte. Et pour qu’on la leur entrouvre, ils essaient de tromper ses gardiens. Peu importe le moyen : menaces, ruse, négociations…
Une telle bataille se joue en France autour de l’euthanasie, et même une guerre de 30 ans relancée par des faits divers, des propositions de loi et, cette semaine, une tribune signée par un député sur quatre.
D’un côté, il y a ceux qui estiment l’interdit de tuer intangible, pour toute vie en société. Interdit protecteur des plus fragiles : les personnes malades, dépendantes ou désespérées. Interdit qui sert à les garder – ainsi que leurs soignants et leurs proches – de la tentation du passage à l’acte, sans exception. Car, quand il s’agit de l’interdit de tuer, l’exception ruine la règle. Pensons à la peine de mort…
En face, les militants de l’euthanasie commencent toujours par essayer d’ouvrir la porte aux cas limite. Même si ces cas ne résistent pas à l’analyse, ils sont assez spectaculaires pour dissoudre la raison dans l’émotion. On promet donc un encadrement strict de l’euthanasie. L’injection létale ne sera administrée qu’à des volontaires, en situation ultime, sous contrôle médical.
Avec les expériences belge et hollandaise, nous avons heureusement – ou malheureusement – de quoi déjouer ce piège de l’exception. A partir de lois qui se disaient restrictives, les euthanasies légales se sont multipliées sans contrôle, jusqu’à toucher des personnes qui ne sont même pas gravement malades, d’autres qui sont incapables de donner leur consentement, et même des enfants. On déplore aussi la montée des euthanasies clandestines (la moitié du total dans certaines régions) : à partir du moment où l‘interdit de tuer est levé, nombre de médecins ne s’embarrassent plus des formalités administratives.
En dix ans, l’euthanasie a pénétré les mentalités. La porte qu’on avait entrouverte est devenue battante : le prétendu « droit de mourir » qu’on disait réservé aux volontaires peut même se muer en DEVOIR de mourir pour ceux qui se sentent coûteux ou pesants… Un médecin Belge m’a confié qu’un vieux monsieur, poussé par ses enfants à réclamer l’euthanasie, lui avait demandé lors de son ultime visite, une fois seul avec lui : « Docteur, est-ce que vous croyez que je pourrais vivre encore un peu ? »
Gare à la culture de l’euthanasie ! Elle tue la vraie liberté.