Ce n’est pas un scoop : le pape François n’aime pas la langue de bois. Sa sortie remarquée contre notre eugénisme le confirme. Tout communiquant sait que celui qui dénonce de graves abus doit s’interdire de les comparer au nazisme. Eh bien, le pape n’a que faire de nos pudibonderies ! Le 16 juin, il a décrit sans pincettes notre culture d’élimination prénatale des fœtus atteints d’anomalies.
Je cite ses propos dans leur spontanéité : « J’ai entendu dire qu’il est à la mode, ou au moins habituel, de faire au cours des premiers mois de grossesse des examens pour voir si l’enfant ne va pas bien ou s’il naîtra avec quelque chose, le premier choix étant de s’en débarrasser… » Et le pape François de poursuivre : « Au siècle dernier, tout le monde était scandalisé par ce que faisaient les nazis pour veiller à la pureté de la race. Aujourd’hui nous faisons la même chose en gants blancs ». Le pape a alors dénoncé la quasi disparition des personnes de petite taille en ajoutant : « Le protocole de nombreux médecins dit : il va naître avec une anomalie, on s’en débarrasse. »
Ces formules ont été très reprises dans les médias, sans provoquer les protestations annoncées. Le capital de sympathie du pape lui permet de faire passer certaines vérités. Pour ma part, au dîner sur la bioéthique auquel j’ai participé en mai à l’Élysée, j’ai déploré devant le président de la République ce que j’ai nommé « notre douloureux secret de famille », cet eugénisme que personne n’a décidé, que nos lois interdisent en principe, mais qu’il faut bien constater. En France, 96% des fœtus diagnostiqués atteints de trisomie sont avortés : quel paradoxe, alors que de plus en plus de personnes ayant un handicap prennent toute leur place dans la société !
La tonalité crue des paroles du pape rappelle le dénouement du beau film Secrets et mensonges de Mike Leigh. Pourquoi étouffer la vérité ? Certaines aumôneries d’hôpital proposent aux parents endeuillés par l’IMG – cet avortement qu’on appelle à tort « médical » – des rites qui masquent cette réalité poignante. Avec, par exemple, la formule « La mort nous l’a arraché » alors que cette mort du fœtus a été provoquée. Un tel déni peut-il vraiment consoler ceux qui ont cru devoir recourir à l’IMG ? Le pape nous incite à réaliser combien cette injuste exclusion des plus fragiles blesse gravement nos sociétés. Ce pourrait être un sujet partagé avec Emmanuel Macron qui s’apprête à lui rendre visite à Rome. Car la France détient le triste record mondial de cet eugénisme « en gants blancs ».