Article paru dans La Croix le 11juillet 2018, suite à la remise du rapport du Conseil d’État sur les questions de bioéthique.
Propos recueillis par Alice le Dréau.
La Croix : Comment réagissez-vous à la publication du rapport du Conseil d’État ?
Tugdual Derville : J’ai bien l’impression qu’il s’agit d’un jeu de dupes. Le Conseil d’État affirme agir en se fondant sur le droit, mais dans la réalité, derrière sa précision juridique, son rapport ouvre et ferme les vannes selon des critères plus politiques que juridiques. Le Conseil d’État dit renvoyer le législateur à ses responsabilités : dans les faits c’est un blanc-seing donné aux politiques. Comme si, finalement, les hauts magistrats s’en lavaient les mains.
Quels points vous inquiètent ?
T. D : En estimant que rien n’interdit l’extension de la PMA aux femmes seules ou en couple homosexuel, mais que rien n’interdit non plus le statu quo actuel, le Conseil d’État cautionne une éthique du glissement continu vers le moins-disant éthique. Le rapport va jusqu’à écrire, que « le principe de l’intérêt de l’enfant ne constitue pas un élément juridique décisif » dans la décision d’élargir ou pas l’accès à la PMA. Comment une instance aussi prestigieuse peut-elle revenir sur son travail passé et se dédire ?
En 2009, lors d’un précédent rapport, le Conseil d’État avait préconisé de ne pas remettre en cause « l’exigence fondamentale de donner à l’enfant une famille comportant un père et une mère » et de ne pas « créer délibérément un enfant sans père, ce qui ne peut être considéré comme l’intérêt de l’enfant à naître ». Comment se peut-il qu’en quelques années, les principes protecteurs des enfants, brandis à l’époque, tombent d’un coup ? Le rapport ne s’oppose pas à la congélation ovocytaire précoce, ne se prononce pas sur les inséminations post mortem.
Lire la suite ici.
Une réflexion au sujet de « « La fuite en avant scientiste est en train de se retourner contre les plus faibles » »