Au lendemain du grand succès des « Manifs pour tous » régionales du samedi 17 novembre 2012, le Délégué général d’Alliance VITA dresse un premier bilan et ouvre des perspectives.
Ce succès est-il pour vous une surprise ?
Tugdual Derville : Assurément, comme nous avions déjà été surpris par l’intensité de la mobilisation lors des 75 rassemblements locaux organisés à partir du 23 octobre 2012. Depuis que s’est matérialisée la menace du « mariage » homosexuel avec l’élection du nouveau président de la République, nous avons reçu une avalanche d’appels pour lancer la mobilisation. Nous savions qu’il y avait une forte attente, sans mesurer sa traduction quantitative. N’y avait-il pas une érosion continue de l’opinion publique en faveur du mariage et de l’adoption pour les personnes de même sexe ?
Le 17 novembre, à Paris, Lyon, Toulouse, Nantes… c’est une foule compacte, diverse et déterminée qui s’est rendue au rendez-vous des initiateurs des manifestations régionales. Frigide Barjot, de l’association L’humanité Durable ou l’association lyonnaise Cosette et Gavroche, etc., ont eu raison de proposer des marches régionales qui sont une étape indispensable avant une manifestation nationale.
De plus, nous avons su montrer depuis les premières mobilisations que ce débat dépasse les clivages droite-gauche ou croyants-incroyants. Derrière la banderole de tête, samedi à Paris, j’ai pu profiter à plein de cette unité profonde dans la diversité qui fait le succès des grandes batailles législatives.
Le rendez-vous national est fixé au dimanche 13 janvier 2013. Pourquoi cette date ?
Nous l’avons décidée ensemble, il y a peu de temps, uniquement en raison du calendrier législatif prévisionnel. Ce choix a été le fruit d’une concertation entre les leaders associatifs. Certes, le débat dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale est programmé pour le 29 janvier 2013. Mais nous savons, par expérience, que les choses les plus essentielles se fixent de plus en plus au cours du travail en commission, qui, lui, débute dès la semaine du 14 janvier. D’autant plus que les nouvelles règles législatives rendent beaucoup plus difficile le vote d’un amendement en séance, où le texte qui arrive est déjà très abouti. En annonçant une date trop lointaine, qui nous aurait, certes, donné davantage de temps pour préparer, nous aurions pris le risque d’une accélération du calendrier par le gouvernement.
Nous avons donc à peine deux mois pour mobiliser, en tablant sur les trêves de fin d’année pour que chacun se donne rendez-vous à Paris le 13 janvier 2013. Cette date sonne comme un rendez-vous avec l’Histoire.
Pensez-vous réunir davantage de monde que le 17 novembre ?
C’est évident. D’abord la proximité de cette date avec les fêtes de fin d’année fait que ce week-end est en général libre. Ensuite, c’est la règle de toute mobilisation : elle grandit par étapes. Le succès appelle le succès, parce que les hésitants qui voient une mobilisation réussie ont envie de la rejoindre. Ce qui était au début une démarche osée voire courageuse devient une évidence. De plus, la diversité des personnes qui ont pu s’exprimer le 17 novembre va libérer de nouvelles catégories de citoyens.
A Lyon, la présence du cardinal Philippe Barbarin aux côtés d’autorités d’autres religions est très prometteuse. De même, le mouvement des 17 000 maires et maires-adjoints (à ce jour), qui se lèvent contre ce projet de loi, devrait apporter une capacité de mobilisation locale démultipliée. De toutes les façons, on piaffe partout en province, où les wagons et les cars seront affrétés.
Comment pensez-vous que le gouvernement voit ce mouvement ?
D’un sale œil, sauf pour les quelques ministres ou conseillers qui ont confié en privé qu’ils étaient mal à l’aise avec cette réforme ou qu’ils auraient voulu un débat moins bâclé. Peut-être le chef de l’État lui-même n’attend-il que le succès de cette mobilisation pour dire à ses troupes de lever le pied. Après avoir asséné leur « mariage pour tous » comme un imparable slogan égalitariste, les promoteurs du projet de loi ont dû se défendre sur les questions clés que nous avions posées : celles de l’enfant, de la parité homme-femme dans le couple des parents et de la filiation. Après avoir méprisé l’opposition jusqu’à faire injonction aux religions de se taire, ils ont commencé à dire qu’ils entendaient « l’inquiétude » des manifestants…
Voulez-vous dire que la victoire est possible ?
Si nous nous engageons avec une telle force, c’est que nous y croyons. Mais ce n’est pas notre victoire, c’est celle des droits universels de la personne humaine qui est en jeu. Tout Français de bon sens peut le comprendre… Alors, pourquoi pas ceux qui nous gouvernent ?