Après une série de recours et l’intervention d’un Comité de l’ONU, récusée par le ministère de la Santé, le médecin en charge de Vincent Lambert au CHU de Reims a annoncé à sa famille pour la semaine du 20 mai la reprise du processus visant à provoquer sa mort par déshydratation et dénutrition.
Au début de ce drame, j’étais réticent à m’exprimer sur une situation si douloureuse, sur fond de conflit entre une épouse et des parents. En soi, le degré de dépendance durable des personnes en état neurovégétatif ou pauci-relationnel est un défi pour notre humanité. Comment leur exprimer du respect, en prendre soin sans se décourager, continuer à les aimer, leur être fidèle ?
Qui blâmerait un conjoint qui s’éloigne après des années de présence héroïque ? Mais devrait-on blâmer des parents qui veulent qu’on continue de prendre soin de leur enfant ? Vincent vit. Il a même fait preuve de sa vitalité en résistant déjà à un arrêt d’alimentation de 31 jours, effectué en 2013 sans prévenir ses parents. On ne peut pas dire qu’on le force à vivre.
Savoir qu’une décision médicale puis de justice projette une personne qui n’est pas en fin de vie, mais seulement lourdement dépendante, dans une sorte de « couloir de la mort » provoque un malaise. Malaise perceptible chez nombre de soignants du CHU de Reims. Ils savent que ce qui risque de s’y passer s’éloigne de la médecine. Ce serait un précédent lourd de conséquences pour 1700 autres personnes gravement cérébrolésées, qui vivent dans un état comparable à celui de Vincent Lambert, pour leurs proches et pour leurs soignants…
Appels de médecins, de juristes, des parents, qui annoncent un rassemblement qu’ils veulent digne et paisible devant le CHU de Reims dimanche à 15 heures… Rien n’y fait.
Peut-être vous interrogez-vous sur la raison pour laquelle Vincent Lambert n’a jamais été transféré dans une véritable unité pour patients cérébrolésés. C’eût été une sortie par le haut. Mais c’est sans compter sur ce que je nomme le « syndrome de persévération ». Les sociologues ont décrit notre tendance à nous entêter dans l’erreur, dès lors que nous y avons investi du temps et de l’énergie, et surtout notre image. Quand cette erreur est collective, mêlant médecins, magistrats et politiques, elle tend à se fossiliser. Tout le monde se tient. Ceux qui ne sont pas d’accord sont réduits au silence par la peur d’être rejetés par leur caste. Vincent doit-il mourir pour que les institutions ne perdent pas la face ?
Bref, il faudrait beaucoup d’humilité collective. Autant dire un miracle !
4 réflexions au sujet de « Malaise d’une mort programmée (17 mai 2019) »