Envoyée spéciale d’une chaîne d’info continue à Jérusalem, la journaliste Agathe Lambret a fait une grosse boulette en direct en annonçant la rencontre imminente entre Emmanuel Macron et… Yasser Arafat, le président de l’autorité palestinienne… mort en 2004 ! Il s’agissait bien sûr de son successeur Mahmoud Abbas, rectifiait-on illico sur le plateau.
Les réseaux sociaux se sont aussitôt déchaînés contre la pauvre journaliste, comme si elle avait porté atteinte à la dignité humaine en ressuscitant un instant l’ancien leader palestinien. Comme si ce lapsus était révélateur d’une inculture crasse, dont seraient coupables sa chaîne et toute la classe médiatique.
En réalité Agathe Lambret n’avait pas fait une erreur mais juste un lapsus, comme nous en faisons tous, puisqu’elle venait d’évoquer l’épisode historique d’une rencontre entre Jacques Chirac et Yasser Arafat.
Cet incident dénote une société prompte à condamner.
Tout se passe comme si nous étions assis au cirque Maxime, prêts à nous délecter des faux-pas de nos contemporains, surtout les plus jalousés, pour participer à leur exécution. Haro sur le baudet ! La cruauté de nos foules est certes moins meurtrière qu’elle ne le fut, mais il en reste quelque chose. Nous dénigrons la Corée-du-Nord dont le leader semble en mesure de faire exécuter l’un de ses sujets pour un rien, ou la Chine, où l’on voit ramper, en gémissant des paroles auto-accusatrices, les cadres d’une entreprise qui n’ont pas atteints leurs objectifs annuels.
Nous luttons chez nous contre le harcèlement scolaire. Mais nous sommes passés maîtres en ironie. Une célèbre émission d’information au ton humoristique n’a pas hésité, il y a quelques jours, à pointer lourdement le « mono sourcil » d’un jeune homme qu’elle prétendait valoriser par son reportage.
Cette société prête à se moquer de tout est cruelle. Elle contribue au désenchantement. Certains jeunes, ne s’informant que par ce qui les amuse, ne retiennent des politiques que la caricature qu’en font les humoristes.
La société adolescente ne pardonne plus l’erreur, qui est pourtant humaine. Or, l’erreur nous distingue du robot. C’est peut-être à cause de mon lourd passé scolaire, mais quelqu’un qui fait une erreur – involontaire – m’inspire plutôt de la sympathie. Bien des inventions sont nées d’une gaffe.
Nous avançons tous dans la vie à tâtons. Et surtout, le lapsus, voire l’erreur sont tellement préférables au mensonge délibéré ! De ce point de vue, l’on peut dire que nous sommes trop souvent servis. Et c’est bien plus grave.