Aujourd’hui, je décerne la palme de la bouffonnerie à une vidéo d’une radio du service public qui tranche avec la qualité habituelle de cette radio.
Elle est bien faite. Un archéologue explique que la statuaire grecque antique était polychrome – ce que je n’ignorais pas – mais surtout que toute une idéologie raciste tend à le dissimuler.
Et là, il faut le voir pour le croire. Car la dénonciation de l’idéologie suprématiste blanche qui aurait dévoyé toute l’histoire de l’art, et l’art lui-même, s’effectue par un montage des plus fascinants. Philippe Jockey, archéologue de l’école d’Athènes, ayant noté que la blancheur des statues de nos musées ne reflète pas leurs couleurs d’origine, prouvées par la science, une voix off, féminine, l’explique : « C’est le résultat de 2000 ans d’une histoire réactionnaire qui place le blanc au cœur de ses valeurs et rejette l’impur, le bigarré, le métissage des couleurs ».
Notre archéologue fait à son tour le grand écart : « C’est un rejet de l’autre que l’on voit apparaître dès les textes de Pline l’Ancien, jusqu’aux pires excès de la seconde guerre mondiale ». La voix off en remet une couche, désignant, entre les Romains et les fascistes, les coupables : « Avec les premiers chrétiens, le paganisme coloré est rejeté au profit de la blancheur, associée au sacrée et à l’innocence ». Paf ! Un peu plus loin on entend, preuve par l’image : « Dans les années 30, l’idéologie de la blancheur se radicalise encore quand l’écrivain xénophobe Charles Maurras fait « l’éloge de la blanche Athènes » posant ainsi un jalon dans l’exaltation antique, reprise par les régimes fascistes et nazis. » La musique se fait menaçante. L’archéologue confirme que « le mythe de l’homme supérieur, de l’arien » s’appuie sur « cette idéologie blanche », qui domine l’histoire de l’art.
Enfin vient la période salvatrice : « Avec 1968, on commence à prendre en compte les couleurs grâces aux techniques d’investigation et au grand retournement culturel. » L’archéologue le souligne : c’est la « révolution militante » qui a permis d’affirmer la polychromie grecque « refusée depuis des siècles. »
Que répondre à un tel salmigondis idéologique ? Deux choses : d’abord qu’on fait ici l’impasse sur le bronze, matériau noble – et par essence bronzé – des sculpteurs depuis des millénaires ; ensuite que notre archéologue aurait tout de même pu mettre une chemise de couleur. La blancheur de celle qu’il porte confirme qu’il est lui-même inféodé à l’idéologie qu’il prétend dénoncer.