Deux mots incompatibles sont souvent accolés : intelligence et artificiel. La prétendue intelligence artificielle est partout, avec son sigle IA, passeport pour le fantasme de progrès désincarnés.
Dès 1997, l’ordinateur Deep Blue, après sept ans d’essais, battait aux échecs le champion Gary Kasparov. En 2016, c’est au tour du programme AlphaGO de Google de vaincre un maître du jeu de go, qu’on disait impossible à modéliser. Désormais ce sont des machines qui se crêpent le processeur. AlphaGo avait au moins perdu une partie face à l’homme. Un an plus tard – après trois jours d’auto-apprentissage ! – un autre programme de Google écrasait son prédécesseur digital par cent parties à zéro.
Pauvre sapiens, exclu du jeu ! Il ne faut toutefois pas oublier sa place derrière tout cela. Que la machine puisse l’aider, il n’y a rien à y redire. L’an dernier, un robot s’est montré plus précis que le médecin pour détecter des maladies oculaires. Très bien ! Mais que dire de l’embryoscope inauguré en 2011 à Nantes, pour trier automatiquement les embryons ? Je déteste qu’on confie à des machines la tâche de sélectionner des humains, surtout si c’est pour en jeter. Et quand on pense combler les personnes âgées isolées par des robots exprimant de l’affection, je m’insurge.
Qui peut vouloir d’une affection artificielle ?
Certains croient dur comme fer en l’avènement de ce qu’ils nomment l’intelligence artificielle forte, qui aurait la conscience d’elle-même et de vrais sentiments. Le docteur Laurent Alexandre a été jusqu’à m’affirmer en public : « Nous créerons l’âme dans le silicium. » Faire jaillir la conscience de la matière ! Le matérialisme induit ce dogme obscurantiste.
Or, n’oublions pas que derrière chaque machine, aussi sophistiquée soit elle, des hommes sont à la manœuvre, capables d’inventivité, mais aussi de perversité. Gare à la confiance aveugle !
Je salue donc la performance d’un artiste en chair et en os qui vient de piéger Google Maps. Simon Weckert s’est baladé dans les rues de Berlin avec un mini-charriot rempli de 99 smartphones connectés à l’application. Résultat, le programme Google Maps a détecté un gros embouteillage qui n’existait pas, calculant et affichant des itinéraires de dérivation totalement inutiles, alors que notre plaisantin publiait ses photos d’artères désertes, que l’intelligence artificielle avait bêtement peintes en rouge.
Dans le bras de fer opposant la machine à l’homme, c’est bien à nous d’avoir le dernier mot. Grâce à l’amour, et, pourquoi pas ? par l’humour.
Une réflexion au sujet de « Farce digitale (07 février 2020) »