Article d’Agnès Leclair paru dans le Figaro, le 12 janvier 2016.
Médecin favorable à l’euthanasie, Véronique Fournier devrait prendre la tête du nouveau Centre national des soins palliatifs.
Est-ce un signal envoyé aux partisans du suicide assisté? La perspective de l’arrivée du docteur Véronique Fournier, connue pour ses positions en faveur de l’euthanasie, à la tête du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie met en émoi le milieu des soins palliatifs.
Fortement pressentie pour prendre la tête de ce nouvel organisme créé par décret le 6 janvier dernier, cette cardiologue, qui dirige le centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin à Paris, estime qu’il est temps que la médecine «assume l’intention de mort». Elle défend une «euthanasie palliative» – non une injection soudaine mais une aide à mourir progressive – pour les malades en fin de vie. Pour l’instant, le ministère des Affaires sociales ne confirme ni ne dément ce choix.
Il faut dire que l’ambiance est tendue alors que députés et sénateurs doivent s’accorder le 19 janvier sur les contours de la nouvelle loi sur la fin de vie. Cette proposition, qui vise à instaurer un droit « à dormir avant de mourir » pour les malades au terme de leur existence, a été soutenue par l’Élysée comme un texte de « consensus » et défendue par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. La proposition de loi a cependant été jugé ambiguë voire dangereuses par les sénateurs qui l’avaient vidée de sa substance. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, favorable à titre personnel à la législation d’une aide active à mourir, avait pour sa part décrit ce texte comme une « étape » dans la législation sur la fin de vie.
Dans ce contexte, l’arrivée d’un médecin « pro-euthanasie » aux manettes du nouvel organisme ne manque pas d’irriter, voire d’inquiéter, les professionnels de santé, convaincus qu’il ne faut pas franchir la ligne rouge de l’interdit de tuer. « C’est un mauvais signal, un geste dans le sens d’un mouvement politique en faveur de la dépénalisation de l’euthanasie, alerte le président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), le docteur Charles Jousselin. Véronique Fournier peut avoir sa place dans ce centre mais pas comme présidente. Elle n’a pas d’expérience de terrain dans un service en soins palliatifs. Elle a une vision réductrice et utilitariste de la fin de vie. Le pire qui puisse arriver à un être humain, c’est le sentiment d’abandon. Or l’euthanasie est un abandon. A l’inverse des soins palliatifs, c’est négliger la rencontre de l’autre ». Et la SFAP de s’interroger sur la capacité d’une personne en faveur d’une aide active à mourir à conduire la grande campagne de communication sur les soins palliatifs à destination des Français qui devra être menée d’ici un an par le nouveau centre… Bien que la nomination de Véronique Fournier ne soit pas officielle, le collectif Soulager mais pas tuer, mobilisé depuis plusieurs mois pour pointer les « ambiguïtés » de la proposition de loi sur la fin de vie, a également fait part de ses « vives inquiétudes« .
« Nous tirons la sonnette d’alarme car le plus grand danger dans le débat actuel est la confusion entre soins palliatifs et euthanasie. Or Véronique Fournier participe à ce flou quand elle évoque l’euthanasie comme l’ultime étape des soins palliatifs » considère Tugdual Derville, un des porte-parole du collectif et délégué général d’Alliance Vita. Sa nomination serait un camouflet pour ceux qui ont cru que la proposition de loi sur la fin de vie était un texte d’équilibre. »