Je veux prolonger l’hommage de Monseigneur de Sinety aux treize militaires français morts lundi au Mali lors de la collision entre deux hélicoptères qui poursuivaient des terroristes.
Six officiers, six sous-officiers et un caporal-chef ont donc été emportés vers l’au-delà où toute hiérarchie s’efface devant celle de l’amour.
Prenons la mesure de la peine de ceux qui les aimaient. Je pense bien sûr à leurs compagnes, mais aussi à neuf enfants soudain orphelins de père, dont un non encore né. Et l’on sait combien la perte d’un compagnon bienaimé peut toucher l’enfant d’une femme enceinte.
Comme lors de précédents deuils, une chose m’a frappé : la tonalité paisible des paroles publiques des proches des soldats disparus – parents, conjoints, frères ou sœurs, camarades. Cette paix tranche avec le ton de proches d’autres victimes du terrorisme. Les familles de soldats ont intégré par avance la possibilité et le sens du sacrifice ultime.
L’un des treize, légionnaire né Bogota, s’était engagé dans l’armée pour – expliquent ses parents adoptifs – « rendre à la France ce qu’elle lui avait donné ». Originaire de Colombie, il est donc mort au Mali, pour la France. Pour notre liberté.
Le président de la République a aussitôt loué « treize héros ». Un journaliste spécialisé dans la défense s’est demandé en quoi un accident pouvait relever de l’héroïsme. On lui a rétorqué qu’une mission de combat de nuit, à basse altitude et haute vitesse, pour une noble cause, est en elle-même héroïque. En réalité, tout l’engagement anti-terroriste de terrain de nos forces militaires mérite ce qualificatif, même quand la mort n’en est pas le prix.
Et si l’héroïsme était un appel intérieur à tout être humain ?
Face à son assassin, l’abbé Hamel, humble prêtre âgé, a nommé devant son meurtrier le mal personnifié. Héroïque ! Héroïque aussi le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame mort pour s’être substitué à un otage à Trèbes. Héroïque donc tout militaire qui consent à risquer sa vie pour les missions qui lui sont confiées. Héroïque, chaque mère qui se dévoue nuit et jour pour son petit enfant et se donne sans compter. Héroïques, chaque père, chaque soignant, chaque mourant qui nous édifie.
Je vois – chez ces hommes destinés à nous protéger – le signe que l’héroïsme est notre appel commun : si je suis capable du pire, je suis aussi capable du meilleur. La plus belle réponse à la banalité du mal, révélée par Hannah Arendt, c’est la banalité du bien. Donner sa vie pour ses amis, il n’y a pas de plus grand amour.