La question écologique : tout est lié !
Le souci du devenir du monde vivant et le le souci du devenir de l’humanité ne sont pas des questions séparées ; elles sont profondément liées. Il n’est pas possible de les traiter séparément.
La question écologique s’inscrit dans un contexte historique au moment où certaines formes de vie et de développement humains sont à l’origine d’une dégradation accélérée des milieux vivants et des conditions de la vie humaine. Le sort fait à la nature est indissociable de celui qui est fait à l’humain. Les modes de vie et de développement mis en cause sont relativement récents ; ils sont associés à l’avènement du Projet moderne, qui a pris naissance depuis quatre siècles dans l’histoire de l’Europe et s’est matérialisé et propagé au travers des mutations scientifiques, techniques, économiques et financières à partir de la fin du 18ème siècle.
L’enjeu principal pour l’Humanité est d’engager une transition des modes de vie ; c’est donc d’abord une question politique, que l’étude des écosystèmes peut éclairer mais certainement pas régler. Les travaux scientifiques sur le climat, leur tentative de traduction politique au plan international avec ses échecs et ses désillusions illustrent une difficulté collective à atteindre l’objectif qui s’impose : comment réorienter un train mondial lancé à pleine vitesse sur une voie qui n’a ni conducteur ni but, sinon celui d’avancer de plus en plus vite ?
Il faut en premier lieu reconnaître que ce sont bien les humains qui sont à l’origine de cette situation (Anthropocène), tout en admettant aussitôt que ces formes de développement moderne sont profondément inéquitables et profitent, en définitive, à un nombre restreint de personnes. La question n’est en effet pas d’ordre démographique : elle repose sur une conception du monde qui sépare l’homme de la nature et confère à celle-ci le statut de ressource à exploiter sans réserve, au bénéfice de la forme de développement qui semble devoir s’imposer. Cette conception moderne du monde repose sur ce que l’anthropologue Philippe Descola a désigné comme une ontologie naturaliste parmi les nombreuses ontologies identifiées dans la diversité des cultures humaines qui sont aujourd’hui connues. Cette ontologie naturaliste n’est donc pas une fatalité, même si elle est aujourd’hui dominante.
Dans ce contexte, le souci du devenir du monde vivant et le souci du devenir de l’humanité ne sont pas des questions séparées ; elles sont profondément liées ; il n’est pas possible de les traiter séparément. Il ne suffit pas de protéger la nature, d’une part, et l’homme, d’autre part. Il est nécessaire de retrouver les termes d’une coexistence entre humains et non-humains dans ce que Philippe Descola décrit comme « des environnements fragiles où coexistent des humains et des non-humains et dans lesquels la vie épanouie des premiers est en très grande partie dépendante des interactions avec les seconds[1]. »
La question écologique est donc étroitement liée à la façon dont les humains comprennent leur relation avec le monde (leur place et leurs responsabilités) mais également leur compréhension de la notion de nature. La dénonciation de l’anthropocentrisme est souvent brandie pour disqualifier les tentatives de repenser le statut de l’humain dans la biosphère. Cette dénonciation est paradoxale car elle revient à perpétuer ce qui est la cause profonde du déséquilibre qui affecte notre modèle de vie et de développement : une conception biaisée de l’être humain. Ce dualisme artificiel est perpétué si l’on adopte une équation réductrice qui ferait de l’écologie intégrale le résultat de l’addition de deux écologies séparées, l’une « environnementale », l’autre « humaine ».
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