Le record d’embouteillages constaté hier lors du grand pont de l’Ascension m’a fait penser à une utilité fortuite de nos autoroutes. Savez-vous qu’elles sont devenues pour la petite faune, de véritables corridors de survie ? À la campagne, l’efficacité des insecticides et l’arrachage des haies ont eu un impact catastrophique pour les insectes. Certains ont déserté d’immenses zones agricoles. Or, les naturalistes ont constaté que les petites espèces se réfugient de part et d’autre des autoroutes et des voies ferrées, dans la double bande d’espace vert sanctuarisée qui les longe.
Préservés des pesticides agricoles, rarement tondus, ces couloirs offrent un continuum de survie qui relie des écosystèmes qui seraient isolés sans eux. Les insectes et autres arthropodes ont beau être percutés ou écrasés en nombre par les automobiles, il s’y retrouvent. Ou plutôt, leurs espèces qu’on sait tristement déclinantes y trouvent leur compte.
Maigre consolation, car ces petites bêtes -nous le savons tous – connaissent un effarant déclin, alors qu’elles sont les pivots de la biodiversité : tour à tour agents pollinisateurs pour la flore, et nourriture de base pour la faune. C’est pourquoi de multiples oiseaux, batraciens, chauve-souris etc. périclitent en même temps que leur garde-manger à six pattes.
Plutôt que d’assister impuissant à l’hécatombe à laquelle je participe par mon mode de vie, j’essaie de contribuer à la reconquête, selon l’allégorie qui a donné son nom au mouvement des Colibris : agir, même petitement. La saison est propice : que chacun laisse dans son jardin, s’il a la chance d’en avoir un, des espaces d’herbe libre, qu’on dira « folle » et non plus « mauvaise ». Qu’on renonce à dessoucher hâtivement un arbre mort, et qu’on laisse plutôt dans un coin un tas de bois ou de branchages : les insectes y prospéreront.
Dans mon village, depuis l’interdiction des pesticides sur la voie publique, j’ai pu enlever du macadam qui stérilisait les pieds de mur, au nom d’une mortelle propreté. Quel bonheur de faire refleurir l’espace commun, en privilégiant les espèces endémiques de ma région !
On parle en politique d’une prise de conscience écologique – une écologie que j’espère inclusive pour l’espèce humaine. Eh bien ! Si nous sommes capables de changer nos petites habitudes dans la mesure de nos capacités, là où nous vivons, nous pourrons, ensemble, consentir aux grands sacrifices que les mutations de nos modes de vie exigeront pour préserver la biosphère, et nous avec. D’ici là, bon week-end à tous.