Un sociologue américain, en voyage d’étude en Europe, a voulu me voir. Sa première question : «Pourquoi la France s’intéresse-t-elle tant aux ENFANTS ? Nous, aux Etats-Unis, nous n’en avons rien à faire !» Et de m’expliquer que, là-bas, il suffit que les adultes s’arrangent par contrat. L’enfant est comme un produit qu’on fabrique et qui se négocie. Je connaissais les banques américaines de gamètes et d’embryons, leurs catalogues aux prix indexés sur le coefficient intellectuel, la taille ou la couleur de peau des géniteurs… Je connaissais aussi leur système de mères porteuses qui se louent aux plus offrant, en s’engageant, par contrat, à livrer le bébé dès sa naissance. J’avais même entendu parler d’un marché D’OCCASION de l’adoption.
Cette réalité défie l’entendement. TF1 vient de diffuser un documentaire sur ce marché. On y voit des enfants, DÉSADOPTÉS par leurs premiers parents adoptifs, qui défilent – le mieux possible – pour séduire de nouveaux candidats parents… Comment est-ce possible ?
En France, l’adoption plénière – démarche délicate et réfléchie – est très encadrée par la loi et suivie par les services sociaux. Elle a pour but de donner POUR TOUJOURS des parents à un enfant sans famille. Ce sera leur enfant à part entière. Personne n’aurait l’idée de «rendre» un enfant adopté qui déçoit ses parents. Mais au pays de l’utilitarisme ultra-libéral, l’enfant adopté est un produit qu’on choisit sur catalogue et qu’on peut rendre, en cas de difficulté… Voilà donc un petit Samuel qui est né en Corée, porteur d’une maladie orpheline. Il est abandonné à un an, adopté aux Etats-Unis, puis désadopté 3 ans après, c’est-à-dire renié par sa première famille adoptive, et ré-adopté à 6 ans par une seconde, contre 8.000 dollars. Imaginez l’insécurité du petit bout de chou, qui doit se tenir à carreau et plaire, pour ne pas retourner à l’orphelinat !
Cette semaine, j’ai aussi découvert que, toujours aux Etats-Unis, des triplés monozygotes, nés en 1961, et abandonnés dès leur naissance, ont été intentionnellement répartis dans 3 familles adoptives puis utilisés comme des cobayes, pour étudier sur eux la part de l’inné et de l’acquis, sans jamais qu’on leur révèle l’existence de leurs deux autres frères. Ils l’ont appris accidentellement, et l’un s’est suicidé.
Que tirer de l’indignation qui m’étreint devant l’enfant-produit qu’on manipule comme un objet ? Que la France doit absolument défendre l’enfant et ses droits face au reste du monde contre le marché de la procréation qui bafoue sa dignité.