Le 26 janvier, le candidat François Hollande a dévoilé ses « 60 engagements pour la France », parmi lesquels, le n° 21 promet l’euthanasie, tout simplement.
« Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »
Il faut noter ce que ces quelques lignes contiennent. Ou pas. Pas de mot euthanasie, pas même mort ou mourir. Mais juste l’expression assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. Une formulation ouatée et anesthésiante qui vise à rassurer. Ou à entretenir le flou. Cette formule utilise le mot dignité dans son acception restrictive, laissant entendre que tuer peut être un geste d’assistance, une façon d’éviter l’indignité. C’est particulièrement pernicieux. Jamais aucun patient n’est indigne, indigne d’être soigné ou aimé.
On pourrait presque se demander, naïvement, si ce genre de texte ne fait pas la promotion des soins palliatifs… Ne constituent-ils pas la véritable assistance médicale pour terminer sa vie dans la dignité ? Mais les mobiles avancés ne laissent aucun doute et font froid dans le dos. L’euthanasie, version Hollande, est faussement molle.
Phase avancée ou terminale d’une maladie incurable : cela signifie qu’il n’est pas nécessaire d’être en fin de vie !
Souffrance physique ou psychique insupportable : la souffrance physique, c’est la douleur qu’on apaise très largement — heureusement — par les protocoles analgésiques modernes. La souffrance psychique, c’est la peine ou l’an¬goisse qui doivent toujours être écoutées et accompagnées. Mais elles sont plus subjectives.
Rendre l’euthanasie légi¬time à cause de la souffrance psychique, c’est ouvrir largement la porte. Il suffira que quelqu’un dise que sa peine est insupportable ! Insupportable, c’est bien le mot qui tue. C’est celui qui explique le résultat des sondages. Quelque chose d’insupportable, qui oserait demander à quelqu’un de le supporter ? La notion emporte les dernières résistances alors qu’elle n’a rien de rigoureux ni de vérifiable. Avec ce type de critère, éliminer le patient qui se plaint et dit qu’il n’en peut plus devient vite la solution de facilité…
Tout cela est donc annoncé en trompe-l’œil, dans un vocabulaire édulcoré. Jusqu’à cette formulation : Je proposerai que toute personne majeure […] puisse demander. Mais qui se permettrait d’interdire à une personne de demander ? Un patient doit pouvoir exprimer librement un désir de mourir. Les soignants et accompagnants le savent. C’est un appel à entendre, qui permet de mieux accompagner. C’est à partir du moment où il risque d’être pris au mot qu’un patient tend à s’interdire ce type de plainte.
Bien sûr le texte socialiste évoque un cadre rassurant : dans des conditions strictes et précises ; et réserve l’euthanasie aux personnes majeures. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer ce joli cadre dériver, comme dans les rares pays qui ont transgressé cet interdit fondateur. Quand le pied est mis dans la porte, il est facile de l’ouvrir davantage !
Or, voilà que la veille de cette annonce, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui regroupe 47 États, vote une résolution historique qui contient une disposition rejetant fermement l’euthanasie : L’euthanasie, dans le sens de l’usage de procédés par action ou par omission permettant de provoquer intentionnellement la mort d’une personne dépendante dans l’intérêt allégué de celle-ci, doit toujours être interdite. Voici au moins une formulation heureuse qui a le mérite de la clarté. Elle rend particulièrement régressives la promesse socialiste et les rares législations qui ont instauré l’euthanasie. Car, en Europe, le vent semble avoir tourné dans le sens de la véritable solidarité vis-à-vis des personnes malades ou en fin de vie.