J’ai été invité au récent pèlerinage à Lourdes de l’association À Bras Ouverts, fondée avec des amis en 1986. Nous nous sommes retrouvés venus de toute la France pour célébrer l’anniversaire de la consécration de l’association à la Sainte Vierge. J’ai vécu ces trois jours avec ma femme parmi 640 jeunes amis, avec ou sans handicap.
Se sont succédés célébrations, ateliers, procession, apéritifs géants… Il y eut aussi la surprise : un récital des chanteurs professionnels de la comédie Bernadette. A la fin du spectacle, tous ont repris le chant et la chorégraphie inventée pour l’occasion par trois jeunes accompagnateurs (c’est ainsi qu’on nomme les volontaires d’À Bras Ouverts). Les « pros » ont avoué n’avoir jamais vécu pareil final, entourés par des dizaines de jeunes porteurs de trisomie 21 dont on connaît la spontanéité et le sens de la fête. Tout le monde dansait, sans crainte d’être jugé ou moqué. Pareille joie au cœur de l’épreuve (car il ne s’agit pas de nier l’épreuve du handicap) est la marque d’À Bras Ouverts.
À chaque messe, parmi la quinzaine de servants d’autel vêtus de blanc, ceux qui ont un handicap ne se distinguent pas de ceux qui n’en n’ont pas. Les lecteurs sont pour la plupart des jeunes porteurs de trisomie ou d’un handicap psychique. Les participants aux processions des offrandes ou à la cérémonie de consécration, avec ou sans fauteuil roulant, jubilent sous les bannières des 28 groupes de l’association. Elle repose sur le « binômage » de chaque volontaire avec un jeune porteur de handicap. Certains déambulent sans arrêt, suivis par leur accompagnateur, d’autres gémissent ou crient de façon intempestive… Cet innocent brouhaha fait goûter la ferveur, la communion des cœurs, les expressions de tendresse ou de compassion où tous trouvent de la consolation, autant les pèlerins dits valides que ceux qu’on dit handicapés.
Le dimanche, la tempête a interdit le départ de notre TGV spécial pendant plusieurs heures, avec un plus grand retard encore à l’arrivée. Eh bien, il fallait voir la fête se prolongeant sur le quai en chanson : « T’as pas perdu ta bonne humeur ! » Le contrôleur en fut estomaqué. Après s’être faufilé sous les guirlandes qui barraient la rame, il a pris le micro pour s’adresser à tous : « Bravo pour votre belle philosophie ! » On frisait l’entorse à la laïcité.
Saluons les pèlerins de Fratello, en situation de précarité ou d’exclusion, croisés hier Gare Montparnasse en partance, à leur tour, pour Lourdes et la 3èmeJournée mondiale des Pauvres. Ce lieu est vraiment leur paradis.