La loi étant votée, le mouvement qui s’y oppose ne va-t-il pas s’éteindre ?
Depuis le début de cet immense mouvement social, nous sommes dans une configuration inédite. L’apparente défaite législative qui aurait pu nous abattre a fait naître des réponses nouvelles, avec surtout les différentes expériences des « Veilleurs » : assis, mouvants, debout…
Que ce mouvement tienne et se démultiplie partout, sous cette forme protestataire non-violente, alors que la période scolaire s’est achevée, est à mes yeux un signe majeur : la créativité et la ténacité sont de notre côté. Il faut reconnaître à quel point le pouvoir a été « stupide », au sens premier du mot c’est-à-dire « hébété » face à notre contestation. Si personne n’aurait pu prévoir un mouvement social de cette ampleur, l’exécutif — en principe doté d’outils d’information et d’analyse pertinents — nous a encore moins bien compris… Il n’a su qu’agiter la menace d’une répression de plus en plus absurde, au point qu’un syndicat de police a rendu public l’agacement des forces de répression, et notamment des compagnies de CRS, d’avoir à appliquer des consignes ubuesques.
Quel est le sens d’une résistance qui se borne à une présence dans la rue ?
Elle est essentielle : elle ancre le for intérieur des manifestants dans le refus de l’injustice. Manifester, avec des slogans et des argumentaires, est une première étape, indispensable pour rendre chacun conscient de sa responsabilité personnelle au service du bien commun. Mais pour aller plus loin, il faut s’enraciner dans l’esprit de résistance.
Et je pense que le foisonnement des « Veilleurs » ouvre une perspective d’avenir au mouvement. D’un certain côté, notre mouvement était déjà né d’une veille, c’est-à-dire d’une conscience en alerte, d’une flamme qui tenait dans la nuit face à la pensée unique et face aux bourrasques de la culture individualiste. Cette flamme a embrasé la France. Et le feu qui s’est partout répandu doit être précieusement conservé et entretenu…
N’est-ce pas le moment d’une traduction politique ?
C’est d’abord celui de l’approfondissement, de la conquête de nouveaux publics… Il me semble qu’imaginer une traduction immédiate et automatique de notre mouvement en force politique a quelque chose d’illusoire. Je comprends l’impatience que certains éprouvent face à la gravité de la situation, en découvrant que de nouvelles réformes sociétales menacent. Mais il nous faut aborder autrement l’enjeu politique que dans la bataille pour le pouvoir et les mandats.
Est-ce l’objectif du Courant pour une écologie humaine ?
Oui, parmi d’autres objectifs, et aux côtés d’autres mouvements, et notamment de La Manif pour Tous qui poursuit son rôle de contestation. Le Courant pour une écologie humaine entend favoriser le tournant culturel en partant de la base, du foisonnement d’initiatives qui prennent soin de tout homme et de tout l’homme.
Pour transformer le monde, chacun peut et doit agir autour de lui, opérer un changement personnel qui entraînera d’autres personnes dans ce changement… C’est en repartant de la réalité que nous vaincrons les idéologies. Ultimement, nous aurons les responsables politiques correspondant à notre culture. Cette approche à long terme ne doit bien sûr aucunement décourager ceux qui se sentent appelés dès maintenant à s’engager en politique…
Pensez-vous avec Alliance VITA que le gouvernement va prendre le risque d’un nouveau débat de société sur la fin de vie ?
Tout est possible puisqu’il a démontré son incapacité à nous comprendre. La façon dont le président de la République a minimisé la réponse du Comité consultatif national d’éthique (qui écarte l’injection létale et le suicide médicalement assisté) en promettant une loi n’est pas pour nous rassurer. Mais nous n’allons pas laisser faire… Pour accompagner dignement la fin de la vie, le mouvement des soins palliatifs offre la réponse qui est à encourager. Et VITA alerte par ailleurs sur la multiplication des arrêts d’alimentation et d’hydratation à visée euthanasique. Quoi que décide l’exécutif, nous organiserons de grandes campagnes de sensibilisation à ces enjeux dès septembre. Et s’il faut mobiliser, nous le ferons. Quand un ours est sorti de son hibernation, il ne se rendort pas !
Propos recueillis par Frédéric AIMARD