À l’instar de l’Académie nationale de médecine, Tugdual Derville, porte-parole du collectif «Soulager mais pas tuer» dénonce l’interprétation abusive du terme «sédation» employé dans le projet de loi sur la fin de vie.
Tribune du Figarovox parue le 9 mars 2015.
Une expression a émergé dans le débat fin de vie: le mal-mourir. Est-ce le reflet des lacunes de notre système de santé ou d’une angoisse de plus en plus grande devant la mort, à cause de l’isolement.
Les deux, répond le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE). Son rapport du 23 octobre 2014 dénonce «le scandale que constitue, depuis 15 ans, le non accès aux droits reconnus par la loi, la situation d’abandon d’une immense majorité des personnes en fin de vie, et la fin de vie insupportable d’une très grande majorité de nos concitoyens». Constat atterrant quand on pense aux progrès de la médecine dans la lutte contre la douleur -par exemple l’usage de la morphine -et le déploiement des soins palliatifs depuis trente ans. Mais justement le CCNE souligne la mauvaise application de la loi du 9 juin 1999 censée «garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs». Ils demeurent le parent-pauvre de notre système de santé.
Le président de la République avait pourtant reconnu, le 17 juillet 2012, que leur dispositif restait «très insuffisant», et s’était engagé: «Nous devons combler ce retard». Deux ans et demi plus tard, rien n’a été fait. Nous attendons toujours le plan pluriannuel de développement des soins palliatifs, en panne depuis 2012. La Cour des comptes, qui titre son rapport du 11 février 2015 «Les soins palliatifs: une prise en charge très incomplète», dénonce les disparités régionales et l’abandon d’objectifs, notamment pour les prises en charge extrahospitalières et l’accompagnement des personnes âgées en établissement d’hébergement. Interrogée sur Europe1 le 9 mars 2015, une nonagénaire qui projette de se suicider en Suisse quand elle sera dépendante avoue «mes enfants font un peu la grimace», tout en déplorant aussitôt que «les jeunes générations ne se sentent plus responsables de leurs vieux».
Plutôt que de prendre ce défi à bras le corps en luttant contre l’isolement des personnes âgées et leur abandon, voilà qu’on nous propose une nouvelle loi. Le texte débattu à partir du 10 mars commence par une promesse osée: «Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée». Tiré du chapeau, surgit un nouveau «droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès». Les soignants seront surpris de la façon dont est détaillé l’exercice d’un tel «droit». Les formules utilisées entretiennent la confusion. S’agit-il d’endormir le patient qui va mourir, ou de l’endormir pour le faire mourir?
L’Académie nationale de médecine a relevé, le 6 mars, l’«interprétation erronée, abusive ou tendancieuse du terme sédation» que favorise l’ambiguïté du texte proposé. Pour elle, la «sédation terminale» relève de l’«euthanasie active» ou du suicide assisté. Elle est contraire à la mission du médecin. C’est bien un nouveau protocole euthanasique qui arrive, masqué, avec la sédation associée à l’arrêt de l’hydratation. La mort est garantie en quelques jours. L’étiquetage «fin de vie», censé favoriser l’accès aux soins palliatifs, se retourne en «arrêt de vie». Simplement, on aura évité le mot «euthanasie» qui divise. Et les médecins auront été privés au passage de toute clause de conscience.
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