J’ai fait une vraie découverte au Forum européen de bioéthique, en débattant avec Camille Froidevaux-Metterie, universitaire qui s’intéresse à la corporéité des femmes. Nous nous opposions sur l’accès des femmes célibataires ou vivant à deux aux techniques d’assistance médicale à la procréation.
Au nom d’un certain féminisme, madame Froidevaux-Metterie soutient la congélation des ovocytes des jeunes femmes qui n’ont pas de problème de fertilité, pour qu’elles puissent devenir mères à tout âge, par fécondations in vitro. Une de ses phrases m’a scotché : « En tant que femme, je veux être un homme comme les autres ».
J’ai d’abord répondu qu’en tant qu’homme, je n’aspirais pas à devenir « une femme comme les autres ». Puis j’ai essayé de comprendre sa logique. Selon son féminisme, toute femme subit, du seul fait de son corps, une inégalité procréative qui la défavorise. Car nous, les hommes, les dominants – le ton était accusateur – pouvons rester fertiles à tout moment jusqu’au grand-âge, tandis qu’elles, les femmes – le ton était victimaire – sont condamnées à l’infertilité à partir d’un certain âge. D’où la revendication d’obtenir de la médecine réparation de cette discrimination corporelle. Et notamment, que toute femme jeune puisse congeler ses ovocytes pour procréer plus tard, même après la ménopause.
Est-ce vraiment libérateur pour les jeunes femmes d’externaliser leurs ovocytes pour déjouer leur horloge biologique ? Je trouve stupéfiant qu’on les incite à livrer à des banques de gamètes ces précieuses cellules, au prix d’une pénible hyperstimulation ovarienne puis d’une anesthésie, pour enfanter après leur carrière, via une FIV et sans relations sexuelles. Déjà, aux États-Unis, des multinationales financent la congélation ovocytaire de leurs employées… Libérer les patrons des aléas du congé maternité me semble bien loin du féminisme. Alors que tant de femmes se battent légitimement pour que la société s’adapte à leur besoin de concilier vie familiale et vie professionnelle, d’autres croient devoir adapter leur corps à la société, en le soumettant à des techniques qui le dénaturent et le détraquent.
À partir de cette étrange idéologie qui assimile le corps féminin à une injustice, la haine du masculin se double d’une haine du féminin qui annonce un transhumanisme asexué. En réalité, seule l’alliance entre les sexes respecte l’écologie humaine. La fécondité naît de la différence entre les corps de l’homme et de la femme : on finirait presque par oublier qu’ils sont faits l’un pour l’autre.