Tugdual Derville, un des porte-parole de « La manif pour tous » voit dans le succès de la manifestation de dimanche contre le mariage homosexuel le signe d’un mouvement historique et durable pour défendre un repère essentiel : le fait que tout être humain naît d’un homme et d’une femme.
La Croix. Comment expliquez-vous le succès de la manifestation du 13 janvier ?
Tugdual Derville : Les motivations des personnes qui ont manifesté dimanche sont extrêmement profondes et viscérales. Nous ne nous battons pas pour notre intérêt propre, mais pour défendre un bien précieux pour tous que nous n’aurions jamais imaginé menacé. Ce bien – le fait que tout être humain est issu de la complémentarité d’un homme et d’une femme – est une réalité qui vient de la nuit des temps. Propre à l’humanité, il est à l’origine de chacun d’entre nous. Or une loi prétend effacer cette réalité. Pour des Français de toutes conditions, c’est inacceptable, et ils se mobilisent pour que ce repère précieux soit transmis aux générations futures. Car une chose est de vivre dans un contexte de famille séparée, monoparentale, etc., en raison des aléas de la vie, une autre est de légitimer et d’organiser la privation pour l’enfant d’un père ou d’une mère, en niant l’altérité homme-femme à la source de l’engendrement.
En quoi le projet de loi sur le « mariage pour tous » est-il une menace, puisque la grande majorité des familles ne seront pas directement concernées ?
T. D. : Il faut comprendre que nous sommes, avec ce texte, à l’orée d’un basculement sociétal absolument majeur. Ne nous leurrons pas : il est évident que le mariage et l’adoption pour deux personnes de même sexe vont de pair avec l’élargissement de la procréation artificielle pour deux femmes, puis la gestation pour autrui pour deux hommes. Autrement dit, avec le fait de « produire » des enfants pour répondre au désir – aussi sincère soit-il – des adultes. C’est un renversement complet : l’enfant ne serait plus la rencontre de deux libertés donnant naissance à un être libre et égal en droits, accueilli de façon inconditionnelle, mais un “projet” – pour ne pas dire un objet – soumis à une volonté de toute-puissance et devant être conforme au désir ou au fantasme d’adultes. Il est ainsi significatif que certains couples de femmes réclament un donneur de gamètes qui ressemble physiquement à celle qui n’est pas sa mère biologique. Notre mobilisation massive révèle la puissance de notre attachement aux vrais repères de la filiation. Un mouvement “d’écologie humaine” est en train de se lever.
Qu’entendez-vous par là ?
T. D. : Je vois des similitudes entre ce mouvement et la naissance de l’écologie politique il y a quelques décennies. Au départ, ce fut la rencontre d’associations de défense de milieux naturels menacés et d’experts visionnaires faisant émerger une question que l’on ne pensait pas avoir à se poser un jour : quelle Terre allons-nous laisser en héritage aux générations futures ? À l’époque, beaucoup de chrétiens faisaient d’ailleurs partie de l’aventure. Il est stupéfiant que ceux qui, actuellement, prétendent incarner l’écologie aient oublié ce qui fait l’essence de l’humanité et soient aux antipodes de notre préoccupation. Pourquoi passer sous silence le repère le plus naturel qui soit : que tout enfant vient d’un homme et d’une femme ? La protection des plus vulnérables devrait s’effacer devant la toute-puissance ! Quant au gouvernement, je crois qu’il n’a pas mesuré l’ampleur de ce qui se joue aujourd’hui. Nous assistons à la naissance d’un élan historique et durable, motivé par un sursaut de la conscience. C’est le propre des mouvements irrépressibles.