L’application d’un principe simple peut s’avérer complexe. L’affaire Vincent Lambert nous le confirme aujourd’hui. Je n’en dirai que quelques mots, car le père Matthieu Rougé nous a rapporté hier l’appel pressant du pape François à son sujet. Ce qui est simple, c’est l’alternative entre la vie et la mort. Vincent Lambert est en vie, aucunement en fin de vie. Décider qu’il doit mourir, quel que soit le moyen utilisé, c’est provoquer son euthanasie, et fragiliser l’accueil des 1200 autres patients neurovégétatifs ou pauci-relationnels.
Ce qui est complexe, c’est d’accueillir l’existence fragile de Vincent (comme des patients qui lui ressemblent), d’en prendre soin, de le considérer sans baisser les bras, ni se décourager. Ce n’est pas parce que tout cela est difficile, compliqué, héroïque même, qu’on doit provoquer sa mort.
Si le principe général de l’interdit de tuer est simple, mieux vaut avouer combien sa mise en œuvre peut être exigeante. Accompagner un proche ultra-dépendant ou en fin de vie, quand la mort ne vient pas, sans qu’on sache combien de temps cela va durer, c’est difficile. Pour chacun d’entre nous, dire « oui à la vie » suppose de consentir à la complexité des problèmes liés à l’existence.
Ces dernières années, on a trop laissé croire que le débat sur la fin de vie se règlerait par deux slogans simplificateurs : droit à la sédation terminale (dormir avant de mourir) et rédaction des directives anticipées (tout avoir prévu et consigné par avance). Auditionné mercredi à l’Assemblée nationale par sa Commission des affaires sociales, j’ai essayé de montrer qu’à force de débattre d’euthanasie, on occulte la multitude des problèmes concrets que pose l’approche de la mort : Où le patient terminera-t-il ses jours ? Comment soutenir les aidants, assurer la continuité des soins, organiser une présence, la nuit comme le jour, réguler les visite, respecter la pudeur, prendre en compte la fatigue, les désirs etc. ?
Toute personne ayant accompagné un proche en fin de vie sait qu’elle a dû affronter de multiples problèmes, sans cesse renouvelés. Cela suppose de combiner un peu d’anticipation et beaucoup d’adaptation. Car « à chaque jour suffit sa peine ».
Les transgressions éthiques consistent souvent à régler par une solution expéditive un problème complexe qu’on n’a pas eu le courage d’assumer. Ramener le sujet de la fin de vie à la revendication euthanasique, c’est perdre confiance dans l’homme. Dans la complexité des circonstances, il est toujours capable d’aimer.