Monsieur le président de la République,
Vous portez le projet d’une loi qui autoriserait la fabrication artificielle d’enfants privés de père, par PMA avec donneur, à la demande de femmes célibataires ou vivant en couple.
Professionnels au service de l’enfance et acteurs de la société civile engagés auprès des enfants et des familles en difficulté ou concernés personnellement par le manque d’un père, nous voulons porter la voix du grand absent de ce débat : l’enfant.
Médecins, psychologues, psychanalystes, éducateurs, enseignants, infirmiers scolaires, médiateurs familiaux, responsables associatifs et humanitaires ou orphelins de père, nous sommes témoins, quotidiennement, des répercussions de l’absence ou de la défaillance du père pour de nombreux enfants et adultes, et leurs conséquences douloureuses – dramatiques dans certains cas – pour l’enfant et pour toute la société. Les personnes en situation de précarité ou d’exclusion ont bien souvent souffert du manque d’un parent ; un tiers des familles monoparentales vit sous le seuil de pauvreté.
Les Français sont profondément attachés à la figure du père : 91% considèrent que les pères ont un rôle essentiel pour les enfants, 89% que l’absence du père marque toute la vie. Pour 79% des Français, les enfants qui n’ont pas connu leur père, pour diverses raisons, sont défavorisés par rapport aux enfants qui ont connu à la fois leur mère et leur père*.
Des deuils, des drames et des accidents de la vie, peuvent malheureusement priver un enfant de l’un ou l’autre de ses parents, parfois dès la naissance. La solidarité nationale tente d’accompagner au mieux ces situations, en reconnaissant que ces enfants en pâtissent. C’est pourquoi nous nous opposons à une loi qui organiserait et financerait la fabrication délibérée d’orphelins de père. Au-delà même de l’absence de père, votre gouvernement organiserait son effacement civil, juridique, social mais aussi psychologique et symbolique. Le père ne serait plus seulement absent, il serait nié, rendu inutile et inexistant. Nous sommes tous concernés. La réalité biologique de la parité homme-femme dans l’engendrement est un repère universel et constitutif de notre identité. Amputer délibérément l’enfant de tout repère paternel bafoue l’un de ses droits les plus intimes et lui porte préjudice, dans sa filiation, son histoire et donc sa construction personnelle.
La Convention internationale des droits de l’enfant stipule à son article 7.1 que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit d’acquérir une nationalité, et dans la mesure du possible de connaitre ses parents et d’être élevé par eux ».
Votre loi PMA sans père entrerait en contradiction complète avec ce traité international, que la France s’est engagée à respecter en le ratifiant, car elle conduirait à organiser l’impossibilité définitive pour certains enfants de connaître leur père et d’être élevé par lui.
La médecine ne doit pas être détournée de sa mission thérapeutique pour répondre à des désirs individuels aboutissant à instaurer des injustices irréparables. Comment les Français pourraient-ils comprendre que les laboratoires et les banques de sperme s’enrichissent, au détriment de la sécurité sociale, en effaçant la paternité, parce qu’on aura réduit le père à un spermatozoïde sans origine pour amputer l’enfant de ce repère, au détriment de son intérêt supérieur ?
Monsieur le président de la République, la figure paternelle est en danger ! Nous nous élevons aujourd’hui ensemble contre cette injustice d’État. Les enfants ont plus que jamais besoin de repères, et nous avons besoin de lois qui protègent les enfants, y compris contre les désirs dont ils sont l’objet.
Renoncez à cette loi injuste qui bafouerait le droit des enfants.
*Sondages Ifop juin 2018 et juin 2019
Tribune parue dans Atlantico le 14 juin 2019, cosignée par Isabelle Toussaint, Agnès Gardon, Dr Annie Breteau, Yves Meaudre, Véronique Lemoine Cordier, Etienne Villemain, Tugdual Derville, François Morinière, Xavier Lacroix, Marie Roquebert, Anne Schaub, Louis -Athanase, Sophie Lutz.
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