Une controverse médiatique a suivi la manifestation Marchons enfants ! du dimanche 6 octobre : beaucoup sont tombés dans la facilité de la moquerie.
Cette controverse m’a rappelé le jour où j’ai découvert que tous les jeunes gens d’un panel dûment recruté par un institut spécialisé n’abordaient l’actualité politique qu’au travers du prisme déformant du Petit journal de Canal + et des Guignols de l’info de l’époque. Ils jugeaient donc une personnalité politique à sa marionnette, caricature hilarante et déformée. Leur conscience politique était victime de l’ironie divertissante qu’on leur servait quotidiennement. Ils en étaient esclaves. Il est tellement plus facile de rire que de réfléchir !
Ce phénomène vient de se produire avec l’héritier du défunt Petit journal, l’émission Quotidien de TMC, qui fonctionne avec le même Yann Barthès sur la même recette de la dérision. Dans une séquence paradoxalement intitulée « le moment de vérité », la journaliste Salhia Brakhlia a tenté de montrer qu’à la manifestation de dimanche, je cite : « certains disent clairement n’importe quoi ». Elle visait deux porte-parole, Aude Mirkovic, des Juristes pour l’enfance et Blanche Streb, d’Alliance VITA. Aude dénonçait l’effacement du père et Blanche l’embryon transgénique et les chimères homme-animal. La séquence télévisée les montre prononçant ces alertes, aussitôt ridiculisées par des moqueries. Comme à propos de Blanche Streb (je cite) : « Cette dame qui dit donc n’importe quoi sur scène a continué devant les caméras des journalistes. »
Las, Salhia Brakhlia n’avait pas pris le temps de lire la loi, ni l’analyse que nous en avons faite. Les deux oratrices ne sont pas écervelées : l’une enseigne le droit, l’autre est docteur en pharmacie. D’autres journalistes ont heureusement volé au secours de la vérité. Loup Besmond, de La Croix, qui, lui, travaille, a confirmé – preuve à l’appui – qu’on ne fantasmait pas en parlant d’embryon génétiquement modifiés ou de chimère. Anaïs Condomine, de Libération, a à son tour taclé sa collègue. Son article documenté s’achève ainsi : « En résumé : il est difficile de balayer, comme l’a fait Quotidien, l’affirmation de Blanche Streb, selon laquelle « nous pourrons fabriquer des embryons chimères mi-animal, mi-homme ». »
Bref, les moqueurs sont moqués. C’est Quotidien qui disait n’importe quoi ! Comme ses responsables ne veulent surtout pas le reconnaître, la plupart des téléspectateurs resteront abusés. L’ironie gratuite n’est pas sans risque pour la démocratie, car, en tordant la réalité de façon plus ou moins tordante, elle devient vite vile tromperie.
Une réflexion au sujet de « Ironie-Tromperie (11 octobre 2019) »