La Chine avait ses pandas, sa croissance, sa pollution. Elle a désormais ses bébés OGM. Nous avons souvent mis en garde contre la modification génétique des embryons, qu’on traite comme du matériel de recherche. On nous rétorquait qu’on n’en ferait jamais naître, comme si la mort de ces cobayes humains après la recherche était une garantie éthique. Mais nous y sommes : la famille humaine est mise devant le fait accompli d’une première transhumaniste. Prenant de court la communauté scientifique mondiale, y compris dans son propre pays, un savant chinois a annoncé la naissance de deux bébés génétiquement modifiés. Des jumelles, conçues en laboratoire.
Le chercheur Hé Jiangkui affirme avoir modifié le gène CCR5 de ces embryons in vitro avant de les implanter dans l’utérus de leur mère. Mobile avancé : rendre ces bébés résistants au VIH, en désactivant un gène, leur père étant séropositif.
En réalité, nul ne sait si la manipulation a réussi. Mais tous s’accordent à dire que l’apprenti-sorcier a pris des risques insensés. Pour ces nouveau-nés d’abord, cobayes à vie de la technique qui les a créés ; ce statut de « transhumain expérimental » porte atteinte à leur dignité. Pour l’humanité ensuite : en bricolant le génome, ce scientifique engage les générations futures. Provoquer une mutation génétique qui sera héréditaire, c’est comme diffuser dans la nature – humaine – un nouveau virus. Comme l’explique le docteur Blanche Streb dans son essai Bébés sur mesure, le monde des meilleurs, cette technologie n’est ni sûre, ni efficace. Ses dégâts collatéraux et effets indésirables sont mystérieux, méconnus et incontrôlés. On joue avec le feu !
Le plus stupéfiant, c’est la réaction ambivalente de nos propres scientifiques. D’un côté, ils condamnent unanimement la première sauvage d’un confrère qui jette l’opprobre sur toute la recherche sur l’embryon ; mais de l’autre, ils laissent la porte ouverte aux bébés OGM. Un texte cosigné par les secrétaires perpétuels de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie des sciences l’atteste. Je cite « Si cette démarche était entreprise dans l’avenir, ce ne devrait l’être qu’après approbation du projet par les instances académiques et éthiques concernées et un débat public approfondi. » Pour Jean-Yves Nau, médecin et ancien journaliste au Monde, « C’est un message à faire trembler ». Pour ma part, je sais combien les arguments flottant au milieu du gué sont inopérants : le respect de l’écologie humaine devait interdire toute manipulation génétique sur l’embryon.