Les Jeux paralympiques se déroulent à Londres du 29 août au 9 septembre 2012 : occasion unique de combattre les préjugés et stéréotypes quant aux personnes handicapées.
Second événement sportif de l’année après les Jeux olympiques, par le nombre d’athlètes participants (4200, de 166 pays), ces « autres Jeux » mettent en scène 20 sports. Plusieurs disciplines sont spécifiquement conçues pour les personnes handicapées, tels la boccia, jeu de boules adapté aux personnes souffrant de lésions cérébrales affectant le contrôle de la motricité, ou le goalball, jeu de ballon sonore inventé pour les personnes atteintes de cécité.
Les personnes souffrant de déficits mentaux avaient été exclues des jeux précédents en raison de la difficulté de « garantir » leur handicap. L’équipe de basket espagnole de Sydney, en 2000, avait fait scandale : elle était presque entièrement composée de sportifs mentalement valides ! Avec des grilles d’évaluation révisées, les personnes handicapées mentales ont été réintégrées à Londres. Désormais seules les personnes sourdes, qui disposent de leurs propres compétitions, restent à l’écart de l’événement.
Même si le paralympisme ne cesse de s’ouvrir aux pays pauvres, ils y sont plus défavorisés encore que pour le sport des « valides ». Pour certaines disciplines, la technologie des orthèses et prothèses a pris une place considérable : des jambes artificielles en fibre de carbone peuvent coûter 20 000 euros… Selon le Comité paralympique camerounais, un seul de ses « dix athlètes qui ont le niveau mondial » a pu s’inscrire à Londres. Le voyage est coûteux, et le handisport intéresse peu les gouvernements… Pourtant, ce sont les pays du Sud qui laissent naître les plus nombreuses personnes handicapées. Les techniques de dépistage en vogue dans les pays du Nord y rendent désormais rarissimes les naissances d’enfants souffrant d’anomalies congénitales, comme l’absence d’un membre. Il reste les accidentés ou amputés, mais ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’un événement sportif « consensuel » rend hommage à des personnes que les sociétés développées s’acharnent à empêcher de naître.
Pour la France, qui détient le record mondial de leur exclusion anténatale, une polémique s’est ouverte sur leur déficit d’image. Elle expliquerait la couverture décevante des Jeux paralympiques par la télévision publique. La visibilité des performances des sportifs handicapés souffre aussi de leur éparpillement en multiples catégories. Équité oblige, il n’y a pas moins de 15 finales du 100 mètres pour les diverses classes de sportifs infirmes moteurs, en fauteuil, malvoyants ou amputés.
Ces jeux glorifient-ils la force ou la faiblesse ? C’est surtout le courage et le dépassement personnel que l’on voit. Ambiguïté : alors que le handicap, sésame indispensable pour participer, vient affaiblir, ce seront tout de même les plus forts qui seront glorifiés par une médaille. D’authentiques sportifs de haut niveau chez les valides participent d’ailleurs à la compétition réservée aux personnes handicapées, à l’image du français Arnaud Assoumani, l’un des meilleurs sauteurs en longueur de l’Hexagone avec un record personnel à 7 m 91. Médaille d’or paralympique à Pékin, Assoumani, qui souffre de l’absence congénitale d’un avant-bras, n’a été écarté de la sélection olympique qu’en raison d’une blessure. Troisième Français chez les « valides » en 2010, c’est un professionnel sponsorisé, comme la « star » Oscar Pistiorius. Le Sud-Africain a pu se mesurer aux athlètes valides sur 400 mètres, à Londres, alors qu’on avait contesté « l’avantage » que ses prothèses de double amputé lui donneraient sur eux… Autre handisportif français emblématique, Ryadh Sallem est passé en quatre paralympiades du basket-fauteuil au rugby-fauteuil, deux disciplines très spectaculaires. Refusant tout « misérabilisme », il réclame qu’on parle « performance sportive ».
Les jeux paralympiques n’échappent pas au fléau du trucage. On évoque notamment la pratique du « boosting » : dangereuse, elle consiste, pour les personnes souffrant de lésions de la colonne vertébrale, à s’infliger des blessures et violences volontaires — parfois des fractures — destinées à augmenter leur pression sanguine, et leurs performances de 15%. Jusqu’à un tiers des compétiteurs concernés auraient usé de cet artifice désormais interdit.
Pour nombre de ceux qui voient dans la pratique sportive une revanche sur la vie, participer ne suffit pas. Mais la grande victoire de ces Jeux-là restera le rayonnement des personnes handicapées. Interrogé par L’Humanité, Ryadh Sallem en témoigne : « Ce n’est pas parce qu’on est des mecs abîmés que la vie ne continue pas… ».