Faute d’idées pour sortir le pays de la crise économique, le gouvernement socialiste précipite des réformes de société — censées ne rien coûter — comme le « mariage » homosexuel. Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, nous appelle à une résistance bien argumentée.
Craignez-vous, pendant la session parlementaire extraordinaire, qui se termine fin juillet, une loi sur des questions de société, qui profiterait de la trêve estivale ?
Non. Sur les deux grands sujets que nous avons analysés comme des menaces majeures, l’euthanasie et la prétendue « homofiliation », le calendrier du gouvernement est partiellement clarifié. Le « mariage » et l’adoption homosexuels devraient être des priorités à partir de la rentrée scolaire, tandis que le débat sur la fin de vie semble plus hypothétique, et en tout cas, plus tardif.
Est-ce à dire que vous partirez en vacances le cœur tranquille ?
Pas vraiment, car c’est aujourd’hui que se prépare la résistance aux projets de demain. Face à l’euthanasie, la mobilisation est déjà forte et unitaire, et les argumentaires éprouvés. Mais pour contester efficacement l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, il faut encore beaucoup travailler. Avec une double difficulté : le gouvernement est déterminé à imposer ce symbole de bouleversement de la société, et sur ce point cette même société nage en pleine confusion.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
Pour Alliance VITA, dont la devise est « Solidaires des plus fragiles », il faut montrer que derrière l’angélique idée d’un « mariage pour tous », il y a de vraies victimes.
Des personnes homosexuelles sont entretenues dans l’illusion qu’il est possible de fonder une famille en affranchissant le couple de parents de la parité homme-femme ; des enfants délibérément privés d’un père ou d’une mère sont abusés par un mensonge à propos de leur filiation ; l’ensemble de la société, spécialement dans ses nouvelles générations, est à son tour entretenue dans la confusion. On lui fait croire qu’il n’y a plus de différence homme-femme.
Je ne pense pas seulement à ce que cela va coûter aux adolescents, fragilisés au milieu de leur construction identitaire ; pour un père ou une mère, se retrouver indifférencié sur un document d’état civil en « parent 1 » et « parent 2 » relève de l’agression. Et c’est bien sûr la porte ouverte à la relégation en parent 3 ou 4, etc. au gré des ruptures.
Ce ne sont que de premières conséquences, car, devant la revendication — en réalité très marginale — de l’« homofiliation », c’est un bouleversement anthropologique radical qui se profile.
Quel type de bouleversements ?
Je veux parler du fantasme de l‘homme artificiel. Le déni de l’écologie humaine que représente l’invention des mots « homoparentalité » puis « homofiliation » consacre la fusion entre les revendications d’un petit lobby homosexuel et de grandes transgressions bioéthiques. Cette revendication d’un droit à l’enfant hors de la reproduction sexuée est une aubaine pour certains chercheurs apprentis sorciers : ils rêvent de changer l’homme, en manipulant ses gamètes et ses gènes, ce qui passe par l’abandon des repères paternel et maternel. Ils envisagent ainsi la généralisation des banques de gamètes, l’utérus artificiel, et divers systèmes qui permettraient d’assurer une descendance commune à un, deux ou trois adultes.
Ce type d’expérimentation a commen¬cé. Ces chercheurs entendent contourner la reproduction sexuée de l’homo sapiens jusqu’à nier que le genre humain est fait d’hommes et de femmes. Ce fantasme rejoint le rêve d’un Daniel Borrillo qui propose de cesser de désigner un nouveau-né par son identité sexuée de garçon ou de fille. Le débat sur le « mariage » homosexuel ouvre donc une nouvelle bataille bioéthique, où s’affrontent l’écologie humaine et l’homme artificiel.
Cela heurte pourtant le bon sens ?
C’est le propre de l’idéologie que de s’en affranchir. Nous avons tous une forme de « logiciel » intégré (j’utilise ce mot pour rester dans le contexte) qui détermine, à l’insu même de notre conscience dès l’instant où nous voyons un autre être humain, si c’est un homme ou une femme. Ce n’est qu’en cas de difficulté que la question vient à notre conscience et que nous cherchons à élucider l’énigme. L’indifférenciation homme-femme, visée par l’idéologie du genre dans ses leaders les plus radicaux entend entretenir le trouble. Avec comme objectif d’effacer la famille naturellement constituée comme cellule de base de la société.
Voulez-vous dire que le « mariage » homosexuel tend à détruire le véritable mariage ?
A l’évidence, même si certains de ceux qui le revendiquent n’en ont pas conscience, ce ne peut être qu’une étape vers d’autres formes de transgressions, actuellement vues comme déraisonnables. Sujet fou, il y a vingt ans, l’idée d’une « famille homosexuelle » ne s’est-elle pas imposée comme sérieuse ? Il n’y a pourtant pas de commune mesure entre le mariage civil fondé sur les repères de la filiation et un « mariage » homosexuel fondé sur la soif de reconnaissance sociale et le « désir » d’enfants.
Le futur « mariage » entre personnes de même sexe, qu’on annonce irrépressible, est déjà attaqué par les tenants de la bisexualité. Comme certaines ligues libertaires du début du XXe siècle, qui appelaient de leurs vœux une sexualité très précoce pour favoriser l’instabilité des relations et dissuader une fidélité conjugale jugée liberticide, la nouvelle vague de la bisexualité prône désormais des unions à partenaires multiples. Ces unions seraient le meilleur creuset de l’homoparentalité.
Comment les enfants s’en sortiront-ils ?
Mal. Ces systèmes utopiques avec des adultes multiples exerçant une autorité confuse sur des enfants ont déjà été expérimentés. Je pense aux dérives de communautés fondées sur des utopies spiritualistes ou écologistes. à partir du moment où l’enfant et ses parents ne sont plus unis par le lien de filiation naturelle (qu’il soit biologique ou adoptif) qui préserve au fond l’égalité parents-enfants dans leur accueil réciproque, l’abus peut vite devenir gravissime, qu’il soit psychique, sexuel, etc. Déjà, nous recevons des témoignages poignants autour de la prétendue homoparentalité : ils montrent à quel point les enfants peuvent souffrir, malgré l’injonction d’aller bien qui leur est faite. Tout cela ne trompe d’ailleurs pas les adultes concernés. Ils sentent au fond qu’avoir privé délibérément leur enfant d’un véritable couple parental fut injuste et s’en culpabilisent.
Comment comptez-vous faire valoir ces analyses dans le débat ?
En ne restant pas seuls. Il nous faut surtout libérer la parole. Beaucoup de personnes n’osent rien dire. à force de n’oser rien dire, ils n’oseraient presque plus penser… Mais la tyrannie culturelle de la prétendue homoparentalité est d’autant plus fragile qu’elle est idéologique. Il faut donc secouer les consciences pour opérer leur sortie du rêve (ou du fantasme) et qu’elles soient en capacité de retrouver leur bon sens. C’est urgent : on s’apprête à bafouer les droits fondamentaux des enfants, à promouvoir des formes d’autorités éclatées, sources de mille maux, à consacrer la loi du plus fort, en l’occurrence des désirs d’adultes en difficulté, plutôt que l’intérêt des plus faibles.
La sidération sur laquelle joue le lobby homosexuel quand il réclame le « mariage pour tous » nous ferait-elle oublier que chaque être humain se construit aussi au travers de saines frustrations sans lesquelles la société serait un champ de bataille ? Il n’est pas forcément bienfaisant d’assouvir tout désir, surtout quand il paraît irrépressible.
Que dites-vous à ceux qui sont tentés de baisser les bras ?
Nous ne savons pas si nous parviendrons à faire entendre ces voix, pendant le débat législatif, mais elles finiront assurément par crier. Les conséquences de l’effacement du modèle familial naturel sauteront tôt ou tard aux yeux. Des études qui semblent enfin sérieuses comme celle du sociologue américain Mark Regnerus que nous venons de découvrir montrent combien les enfants souffrent de l’homosexualité de l’un de leurs parents. Si nous pouvions éviter ces blessures aux générations futures, nous en serions heureux pour elles. De toutes les façons, laisser faire sans réagir l’étape « mariage », c’est accélérer les dérives suivantes. Considérons que ce débat sera au moins l’occasion de faire connaître les maux de la prétendue homoparentalité. C’est une opportunité à ne pas laisser passer.