Paroles et Parole
À l’approche de Noël – je ne sais ce qu’il en est pour vous – j’aspire à la trêve. À un zeste de paix. Il y a des ondes plus paisibles que d’autres pour s’y préparer. Se retrouver sur RCF, c’est déjà l’antichambre de ce qui va se passer dans trois jours. Un émerveillement à portée universelle. Cadeau ineffable à contempler en silence.
Ce trimestre fut bruyant. Nous avons vu les Français se rencontrer et s’empoigner. Une goutte d’eau a fait déborder le vase des moins favorisés. À partir des ronds-points dont j’ai parlé l’autre jour, s’est déversé dans l’espace public un flot de paroles, d’abord de bon sens – précieuses, sincères, poignantes – ensuite de virulence voire de haine. À visage découvert, en direct dans la rue, ou anonymes, masquées par les réseaux asociaux, ces paroles ont monopolisé les écrans.
Devant le réveil indigné d’une partie du peuple français précarisé depuis des générations, et manquant de considération, certains groupes ont joué avec ce feu, pour qu’on glisse de la parole aux actes, de la virulence verbale à la violence physique. Et le gouvernement a craqué, s’embrouillant dans d’autres paroles, cette fois calculées, stratégiques, forcées. Promesses ou demi-promesses, dévaluées par les circonstances puisqu’elles ont été arrachées à contrecœur. Aveux de faiblesse. Et encore tergiversations. La dernière en date est effarante : l’annulation de mesures promises au début du conflit des gilets jaunes, suivie le jour même de l’annulation de cette annulation. Rétropédalage en catastrophe. Impact terrible en effet pour la crédibilité de la parole publique.
Ceux qui dirigeaient la France vers un cap, qu’ils disaient assumé quand d’autres le jugeaient inhumain, ont clairement perdu la boussole. La parole partisane – pas seulement celle de la majorité – s’en trouve davantage déconsidérée. La parole politique flotte, inconsistante. Le caractère de plus en plus éphémère des engagements, réversible des convictions, annulable des promesses nourrit la frénésie médiatique. Merci aux rares ondes qui prennent du recul dans ce bouillonnement qui excite les neurones en décourageant la confiance. Car l’hypocrisie ne trompe personne.
Alors, par contraste, j’ai soif d’une Parole majuscule. Une Parole qui tienne. À laquelle rien ne puisse être enlevé. Une Parole éternelle. Douce et droite. Qui ne se reprenne pas. Un Verbe fait chair. Capable d’advenir dans l’humilité, et de nous garder par son silence pendant trente ans de vie cachée avant d’ouvrir la bouche. Quel bienfait ! Quelle consolation !