S’il y a un « avantage », si j’ose dire, à ce drame de la Covid-19 qui n’en finit pas de nous faire agir et réfléchir, c’est qu’il vient condamner notre individualisme, en nous appelant chacun à la responsabilité. Le respect de tout l’homme et de tous les hommes est l’une des clés de l’écologie humaine : il s’agit de prendre en compte toutes les dimensions de chaque personne mais aussi toute la famille humaine. Or, la pandémie nous rappelle que nous sommes pour ainsi dire mariés à l’humanité, pour le meilleur et pour le pire : on ne se fait pas tout seul ; on ne s’en sort pas tout seul ; on ne peut vivre seul, sous sa propre loi. Nous sommes des êtres de relations, appelés à « créer du commun » en respectant des règles communes. La sécurité sanitaire qui est une des conditions de la vie en collectivité ne peut se satisfaire du chacun pour soi ou du cavalier seul.
J’avoue être régulièrement choqué de voir des personnes n’en faire qu’à leur tête, comme si elles avaient moralement le droit de négliger les gestes-barrières, et des règles partagées. Comme si cela n’avait pas d’impact sur les autres ; comme si leur statut les plaçait au-dessus des lois. Statut d’élu, ou de dirigeant, mais aussi de prêtre ou simplement d’esprit libre, fort et rebelle. La désobéissance aux lois, même contestables, sauf lorsqu’elles sont gravement injustes, produit l’anarchie. Le fait que le port du masque soit surtout destiné à protéger les autres, bien plus que soi-même, manifeste que nous sommes solidaires, dépendants d’autrui. Les responsables d’une équipe, d’une entreprise, d’une communauté, sont contraints de poser voire d’imposer des règles communes dont le but est de protéger les plus fragiles.
Évidemment, il ne s’agit pas de donner des leçons qu’on ne s’applique pas… Les révélations sur les voyages d’agrément à 187 kilomètres à l’heure d’un célèbre journaliste qui exhibait sur les réseaux sociaux le hashtag « restez chez vous » nous choque. Mais chacun est prompt à lapider le coupable, en oubliant ses propres entorses à la loi commune. Il y a un risque : qu’on passe de l’individualisme égoïste au collectivisme liberticide. Qu’on organise la délation, soit par les hommes – comme savent le faire les systèmes totalitaires – soit par la machine. Le souci de sécurité sanitaire pourrait nous y entraîner. Préférons une autre option qui suppose une culture commune que nous sommes peut-être en train d’apprendre ensemble : la culture de la responsabilité personnelle altruiste, celle du « chacun pour toi« .