République absolue (21 février 2020)

La montée de l’Islamisme a poussé le président de la République à s’exprimer sur la laïcité, en choisissant de tancer le séparatisme plutôt que le communautarisme.



Il y a trois ans, son discours du collège des Bernardins aux catholiques avait préparé ce terrain.
Après avoir loué leur implication dans la société, Emmanuel Macron les avait appelés à l’engagement politique : « Ne restez pas au seuil, ne renoncez pas à la République que vous avez si fortement contribué à forger ! » Mais il avait assorti cette invitation d’une condition : « Je demanderai (…) toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. » Dans le tout récent discours de Mulhouse, cette fois destiné aux musulmans de France, nous retrouvons la même tonalité : « Dans la République, on ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures aux lois de la République » et d’ajouter : « C’est aussi simple que ça. »

Je vois deux limites à cette approche : d’une part l’appel à la République, comme référence absolue, d’autre part cette injonction à soumettre aux lois civiles des lois dîtes « religieuses ». La référence à la République est devenue incantatoire. Pourquoi ne pas évoquer la France et toute son histoire ? Elle n’a pas commencé, ni ne se résume par un régime particulier. Et puis République et religion ne jouent pas dans la même catégorie. Quand la première singe la seconde, elle s’avoue déjà perdante. Le discours politique a beau prendre le ton du sermon, vouloir sacraliser la République, relève du vœu pieux.

Ensuite, demander de respecter la loi, comme condition de l’intégration à la France, est à double tranchant. Le mot respect a deux acceptions. Se conformer, et révérer. En démocratie, la loi ne doit pas être révérée. La vie politique appelle même à contester les lois qu’on pense injustes, à critiquer celles qu’on entend faire changer. Pensons à l’abolition de la peine de mort… Quant à l’idée de se conformer aux lois gravement injustes, elle est grevée d’un interdit moral universel.

Le procès de Nuremberg nous enseigne que des lois régulièrement votées peuvent être si gravement injustes qu’on peut être condamné pour les avoir respectées. Quand des lois gravement immorales sont démocratiquement votées, la démocratie se dénature. Et quand Emmanuel Macron affirme « On ne peut pas enseigner des choses qui ne sont manifestement pas compatibles ou avec les lois de la République ou avec l’histoire telle que nous la voyons », la République en devient dogmatique.

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