C’est bien moi, chère Stéphanie et chers auditeurs. En direct, avec ma vraie voix, et des mots librement inspirés par ma pensée. Cette chronique n’est pas celle d’un avatar, ni la résultante d’un algorithme qui l’aurait conçue en fonction des épisodes précédents, ou déduite de réactions biochimiques observées dans mon cerveau, ou calculée après étude approfondie de mon ADN… Si je vous dis cela, c’est parce qu’on assiste à une déferlante de promesses robotiques qui confinent à la folie déshumanisante… À nous faire douter de la valeur de nos corps de chair, précieux écrins de nos personnes.
Ce qui a mis le feu à mes poudres, c’est un projet découvert sur Internet. Présenté par le site Atlantico comme sérieux, je préfère le considérer comme une alerte en forme de performance artistique : un ingénieur américain, nommé Dan Chen, présente un robot de son invention destiné à accompagner, de ses caresses sur l’avant-bras et la main, les derniers jours de personnes en fin de vie isolées ou abandonnées… Il joint la parole au geste : « Désolé que votre famille et vos amis ne puissent pas être ici avec vous… Vous n’êtes pas seul, prétend la voix préenregistrée, je suis à vos côtés… », avant de noter, aussitôt détectée, l’heure du décès du patient. Ce robot, imaginé pour remplacer les soins palliatifs, m’a fait penser à celui prédit par le professeur Henri Atlan : l’« utérus artificiel » qui remplacerait pour les fœtus du futur l’enceinte maternelle, afin de conduire jusqu’à la naissance sécurisée les futurs homo sapiens. Les lecteurs d’Aldous Huxley en ont eu l’avant-goût terrifiant avec son Meilleur des Mondes.
S’il est un marché déjà en plein boom, c’est celui des robots sexuels bardés de technologie. Je ne détaille pas : la poupée gonflable peut aller se rhabiller. Et que dire des robots-nounous pour personnes âgées ? Ils me dégoûtent autant que les automates sexuels. Dès qu’une machine singe l’amour, elle déshumanise. Être couvé par un utérus artificiel, élevé par des écrans et cajolé par un robot avant d’expirer dans des bras artificiels… Très peu pour moi ! Préférons la vraie chair, fragile, inprogrammable, inimitable, et surtout libre !
L’autre jour, je m’aventurais sur le sable à marée basse, après avoir garé ma voiture sur la berge… C’était paradisiaque, jusqu’à ce qu’une voix féminine, jaillissant de ma poche, me lance, sur un ton autoritaire : « Rejoignez l’itinéraire ! », « Rejoignez l’itinéraire ! » J’ai eu envie de noyer mon smartphone et sa voix stupide. J’ai juste éteint mon GPS.